Solitude d'un ange gardien
- Fanny Inesta
- il y a 8 heures
- 2 min de lecture
FESTIVAL OFF AVIGNON 2025
Théâtre de l'Oriflamme
Rue du portail Matheron
Du 5 au 26 Juillet à 13 h (relâche les 9,16,23)
Dans sa loge, royaume exigu aux murs tapissés de souvenirs, Tony, gardien d’immeuble à l’heure de la retraite, nous ouvre son monde avec pudeur . Solitude d’un ange gardien, texte d’Aude de Tocqueville porté par l’interprétation toute en nuances de Pierre Forest, est un murmure persistant contre l’effacement, un acte de résistance intime face à l’invisible d’une fonction essentielle.
Tony n’a rien d’un héros , mais il est de ceux qu’on ne voit pas et qui pourtant veillent, observent, relient. À travers le prisme de ses locataires, une galerie de personnages esquissés, entre truculence et fragilité , se dessine une chronique sociale tout en creux, aux contours aussi familiers qu’universels. De l' octogénaire flamboyante, à l' adolescente au bord du gouffre, chaque silhouette devient prétexte à révéler un pan de l’âme de Tony. Ce que l’on croyait être un inventaire d’anecdotes devient peu à peu une introspection, un autoportrait en creux.
Le texte d’Aude de Tocqueville, nourri de dizaines de témoignages réels, trouve dans la mise en scène de Séverine Vincent une sobriété salutaire. Nous sommes dans une loge, un fauteuil, un bocal ou se trouve un poisson rouge quelques objets, et surtout l’immense présence de Pierre Forest, Molière du meilleur comédien en 2017, qui incarne Tony avec justesse , toujours dans la retenue. Son regard tantôt malicieux, tantôt voilé de mélancolie, donne chair à ce personnage à la fois ancré et évanescent, témoin d’un monde qui s’effiloche.
La mémoire algérienne du personnage, son enfance, l’exil, les blessures muettes, affleure comme une nappe souterraine nourrissant le présent. Et l’on comprend que c’est en tissant ces liens, au fil des étages, que Tony a tenu bon. Il n’est pas gardien seulement d’un immeuble, mais d’un tissu social fragile, fait de rituels, , d’humanité ordinaire.
Spectacle modeste en apparence, Solitude d’un ange gardien touche à l’essentiel, ce besoin irrépressible de transmission, de reconnaissance, de lumière. Et dans un monde qui célèbre la vitesse et l’individualisme, il oppose le contretemps précieux de l’écoute et de la mémoire.
Lorsque Tony évoque son départ, c’est une nouvelle forme d’exil qui se profile. Deux exils pour un seul homme. L’un politique, l’autre intime. Et dans ce double arrachement, il reste pourtant debout. Parce qu’il a aimé. Parce qu’il a veillé. Parce qu’il a raconté.
Solitude d’un ange gardien n’est pas un grand spectacle dans le sens spectaculaire du terme. C’est mieux que cela. C’est une petite lumière obstinée dans un couloir sombre.
Un bijou de théâtre humain. Allez le voir!
Fanny Inesta
De Aude de Tocqueville
Mise en scène: Séverine Vincent
Avec: Pierre Forest
Scénographie Jean-Michel Adam
Lumière: Jean-Marie Prouvèze
Costumes: Léa Forest
Musique: Félicien Adam
Décoration: Rosalie-Adam
Régie: Thibaud Marchesseau
Presse: Dominique Lhotte
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