Mille cent jours
- Fanny Inesta
- 11 juin
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 juil.
Théâtre des Gémeaux
10 Rue du Vieux Sextier Avignon
Avant-première: 10 juin 2025
Festival off 2025 du 5 au 26 Juillet à 13h15
(relâche les mercredis)
Crédit photo bandeau : Marion Debarre
Mille cent jours. C’est le temps qu’il aura fallu à Régis Romele pour revenir à lui-même. Une unité de mesure intime, pour quantifier l’inquantifiable : la reconstruction d’un être, après le choc, le coma, la douleur, et le vertige intérieur.
Tirée d’une histoire vraie, la pièce "Mille cent jours", écrite et mise en scène par Stéphane Titeca, nous plonge dans le parcours accidenté d’un comédien fauché par un chauffard alors qu’il se rendait à une répétition. Il survit, oui, mais pas tout à fait. Sa jambe gauche ne passe pas le cap, et avec elle, une partie de son monde bascule. L’hôpital le recueille, le recoud, mais lui, est déjà en train de sombrer. Dans le coma, entre deux nappes de morphine et quelques hallucinations bien senties, il raconte...
On aurait pu craindre le pathos, la leçon de courage édifiante. Mais non! Le texte et la mise en scène évitent cette pente glissante et choisissent le décalage, l’absurde et l’humour.
Un spectacle qui surgit dans l’entre-deux du réel et de la conscience, là où tout se brouille et devient possible. Sa chambre d’hôpital est peuplée de figures tantôt familières, peut être aussi fantasmées...une ex-femme décidée à garder leur enfant, une amoureuse noyée sous les papiers administratifs, trimballée de service en service, sans jamais vraiment être entendue , un frère gentiment envahissant , une infirmière débordée, un chirurgien au comportement déconcertant, et Batavia, personnage multiforme... Tout ce petit monde défile, tour à tour poignant, drôle, étrange.
Une scénographie qui casse tous les murs : visuels, sonores, temporels. Ce qui devait être un huis clos pesant devient un labyrinthe où le spectateur perd ses repères autant que le héros perd pied...mais avec plaisir. L’écriture, vive, acérée, jongle avec les ruptures de ton. Un moment on rit franchement, la minute d’après, la gravité est là, indéniable car oui, de très nombreuses opérations seront nécessaires, puis le staphylocoque va s'inviter...L’amputation le guette et plane comme une menace sourde. Mais pour lui, il n’en est pas question. Il va se relever, se battre, coûte que coûte. Un spectacle vivant et drôle, désespérément lumineux.
Régis Romele incarne à la perfection cette dualité : l’homme cloué sur un lit, mais dont le cerveau galope à toute allure. Son jeu, toujours juste, oscille entre l’absurde, la douleur et la dérision. Autour de lui, Laetitia Richard, Agathe Sanchez et Stéphane Titeca tissent une toile de contrastes, chacun trouvant la justesse dans son registre.
Tout est bien travaillé, précis : les costumes, la mise en scène, les jeux de lumière, les dialogues , tout concourt à créer un univers à la fois cohérent et flottant. L’histoire se dérobe parfois volontairement mais toutes les portes sont ouvertes, rien n’est fermé, on s’y perd un peu, mais c’est une perte féconde. Car dans ce flou, dans ces brèches, surgit une vérité plus large : celle de la reconstruction, de la résilience, de la manière dont on choisit, ou non, de se relever.
Une pièce qui nous rappelle, au passage, que survivre est aussi un art.
Du beau travail!
Fanny Inesta
De Stéphane Titeca
avec: Agathe Sanchez, Laetitia Richard, Régis Romelle et Stéphane Titeca
Mise en scène: Stéphane Titeca
Scénographie et création lumière: Moïse Hill
Création sonore: Guillaume Druel
Costumes: Justine Calais-Gillot
Chorégraphie: Aurélia Ayayi
Crédit photo bandeau : Marion Debarre
Le regard de Nadine Eid
Mille cent jours
Théâtre de Gémeaux
10 rue du Vieux Sextier Avignon
à 13H15 du 5 au 26 juillet 2025 Festival Off
Relâche les mercredis
durée : 1h15
Quand le personnage principal, le rôle du comédien fusionne avec l’homme, on pourrait craindre une narration autobiographique. Il n’en est rien.
Mille cent jours prend le contrepied du pathos et s’affirme résolument comme « une leçon de choses » drôle et cocasse à l’usage des victimes d’accident de la vie. Régis Romele, Alexandre est comédien. En se rendant à moto, à une répétition, sa vie bascule. Lourdement accidenté par un chauffard, il emprunte le long chemin de sa reconstruction gagnée au terme de trois années de souffrance.
Sur scène, quatre personnages vont naître de son coma. La femme de sa vie, amante dévouée, le frère sympathique, caricature du séducteur balourd, le chirurgien, professeur maboul, mandarin de Faculté qui réunit tous les poncifs liés à la suffisance et aux comportements abusifs, le comateux qui peu à peu réalise le danger de la morphine, l’infirmière aux gestes répétés qui caricature les aspects ingrats de sa profession.
Tous ces personnages hauts en couleurs proposent d’autres incarnations, d’autres versants de personnalité, d’autres rôles. La richesse des trouvailles qu’on ne dévoilera pas tisse avec humour une distanciation qui permet aussi de croquer les faiblesses humaines et les petits accommodements peu glorieux. Le loufoque de circonstance balaie toutes possibilités de pathos, les jeux de mots et les phrases clins d’oeil soudoient une écoute souriante et viennent jusqu’à cueillir le rire.
La pièce s’écrit en pointillé dans les limbes morphiniques et les dérives abyssales d’une pensée altérée. Peu à peu va se structurer un scénario entre les divers personnages. Le jeu des différents rôles se construit au fur et à mesure que le malade s’achemine vers la réappropriation de son corps.
La scénographie explicite les zones troubles, les pensées floues de sa conscience d’où il semble pouvoir quelque peu émerger. L’écriture de Stéphane Titeca, ne laisse rien au hasard et le spectateur suit les personnages. Régis Romele tel un homme orchestre mène avec brio le ballet de ses personnages. Laetitia Richard, Agathe Sanchez et Stéphane Titeca exécutent avec talent une partition bien rôdée.
Les costumes, dans leurs moindres détails, les accessoires concourent à donner du sens au rôle et à ancrer la cocasserie comme ressort essentiel et pare-feu au drame.
Mais ne pas s’y tromper, le vécu de ces trois années de souffrance est certes une conquête mais bien plus, un accouchement. Il faut en effet avoir vécu une longue et lourde période de souffrance pour connaître étrangement le vide presque douloureux de son absence. L’écrire avec ingéniosité et finesse et oser le décalage est un cadeau bien mérité que Stéphane Titeca a fait à Régis Romele.
Nadine Eid
A voir sans hésitation !
A découvrir drôle, bluffant, intelligent et vraiment très bien écrit.
de Stéphane Titeca assisté de Guillaume Druel et Lina Lamara
Avec Agathe Sanchez, Laetitia Richard, Régis Romele et Stéphane Titeca
Scénographie et création lumière Moïse Hill
Création univers sonore Guillaume Druel
Costumes Justine Calais-Gillot
Chorégraphies Aurélia Ayayi
Régie Jean Raphaël Schmitt
Contact Presse Denis Sublet - Suti Agency
Apparemment une comédie douce amère qui donne envie de découvrir!