Mille cent jours
- Fanny Inesta
- il y a 7 jours
- 3 min de lecture
Théâtre des Gémeaux
10 Rue du Vieux Sextier Avignon
Avant-première: 10 juin 2025
Festival off 2025 du 5 au 26 Juillet à 13h15
(relâche les mercredis)
Crédit photo bandeau : Marion Debarre
Mille cent jours. C’est le temps qu’il aura fallu à Régis Romele pour revenir à lui-même. Une unité de mesure intime, pour quantifier l’inquantifiable : la reconstruction d’un être, après le choc, le coma, la douleur, et le vertige intérieur.
Tirée d’une histoire vraie, la pièce "Mille cent jours", écrite et mise en scène par Stéphane Titeca, nous plonge dans le parcours accidenté d’un comédien fauché par un chauffard alors qu’il se rendait à une répétition. Il survit, oui, mais pas tout à fait. Sa jambe gauche ne passe pas le cap, et avec elle, une partie de son monde bascule. L’hôpital le recueille, le recoud, mais lui, est déjà en train de sombrer. Dans le coma, entre deux nappes de morphine et quelques hallucinations bien senties, il raconte...
On aurait pu craindre le pathos, la leçon de courage édifiante. Mais non! Le texte et la mise en scène évitent cette pente glissante et choisissent le décalage, l’absurde et l’humour.
Un spectacle qui surgit dans l’entre-deux du réel et de la conscience, là où tout se brouille et devient possible. Sa chambre d’hôpital est peuplée de figures tantôt familières, peut être aussi fantasmées...une ex-femme décidée à garder leur enfant, une amoureuse noyée sous les papiers administratifs, trimballée de service en service, sans jamais vraiment être entendue , un frère gentiment envahissant , une infirmière débordée, un chirurgien au comportement déconcertant, et Batavia, personnage multiforme... Tout ce petit monde défile, tour à tour poignant, drôle, étrange.
Une scénographie qui casse tous les murs : visuels, sonores, temporels. Ce qui devait être un huis clos pesant devient un labyrinthe où le spectateur perd ses repères autant que le héros perd pied...mais avec plaisir. L’écriture, vive, acérée, jongle avec les ruptures de ton. Un moment on rit franchement, la minute d’après, la gravité est là, indéniable car oui, de très nombreuses opérations seront nécessaires, puis le staphylocoque va s'inviter...L’amputation le guette et plane comme une menace sourde. Mais pour lui, il n’en est pas question. Il va se relever, se battre, coûte que coûte. Un spectacle vivant et drôle, désespérément lumineux.
Régis Romele incarne à la perfection cette dualité : l’homme cloué sur un lit, mais dont le cerveau galope à toute allure. Son jeu, toujours juste, oscille entre l’absurde, la douleur et la dérision. Autour de lui, Laetitia Richard, Agathe Sanchez et Stéphane Titeca tissent une toile de contrastes, chacun trouvant la justesse dans son registre.
Tout est bien travaillé, précis : les costumes, la mise en scène, les jeux de lumière, les dialogues , tout concourt à créer un univers à la fois cohérent et flottant. L’histoire se dérobe parfois volontairement mais toutes les portes sont ouvertes, rien n’est fermé, on s’y perd un peu, mais c’est une perte féconde. Car dans ce flou, dans ces brèches, surgit une vérité plus large : celle de la reconstruction, de la résilience, de la manière dont on choisit, ou non, de se relever.
Une pièce qui nous rappelle, au passage, que survivre est aussi un art.
Du beau travail!
Fanny Inesta
De Stéphane Titeca
avec: Agathe Sanchez, Laetitia Richard, Régis Romelle et Stéphane Titeca
Mise en scène: Stéphane Titeca
Scénographie et création lumière: Moïse Hill
Création sonore: Guillaume Druel
Costumes: Justine Calais-Gillot
Chorégraphie: Aurélia Ayayi
Crédit photo bandeau : Marion Debarre
Apparemment une comédie douce amère qui donne envie de découvrir!