Anna Magnani, le temps d'une messe
- Nadine Eid
- il y a 8 heures
- 3 min de lecture
FESTIVAL OFF AVIGNON 2025
La petite caserne
119 rue Carreterie
du 5 au 26 juillet 2025 à 11h le 5, 7, 9, 11, 13, 15, 19, 21, 23 et 25 à 11h
Durée 1h15

Le titre d’abord impose. S’agit-il d’une restriction ? Ce n’est que le temps d’une messe ou bien est-ce, au contraire ce qui suffit amplement pour exprimer ? Une étrange sensation de nostalgie oscille peut-être, entre les deux. Ce qui est certain c’est qu’entre la grande Anna Magnani et ce temps restreint imparti à une célébration, il va falloir la dire, l’évoquer au sens étymologique.
Pour Marie Joséphine Susini, ce n’est pas un challenge et, ceux qui la connaissent comme ceux qui la découvrent le savent. Elle sait, seule en scène, parfaitement et avec les subtiles failles nécessaires, non seulement faire vibrer les personnages qu’elle endosse, incarne et nous livre comme de beaux cadeaux inespérés, mais aussi narrer pour créer le personnage, La Magnani qui va l’habiter le temps d’une représentation. Anna Magnani est plurielle et Marie-Joséphine Susini s’emploie, le temps d’une messe, à l’évoquer.
Elle dirige l’office et le rend si confidentiel que le temps se suspend de lui même, devient le décor, envahit le plateau. La mise en scène que signe la comédienne concourt à faire émerger l’ultime possibilité d’évoquer la grandeur du personnage. L’urgence est là, le temps de vie imparti à chacun lui a été dévolu. Elle se souvient et dit ce qui est précieux, les sentiments, éprouvés et ceux qu’elle a inspirés. Elle évoque les réalisateurs, les hommes de sa vie, ceux qui ont rencontré et aimé au delà de la femme l’actrice ou la comédienne. Marie-Joséphine Susini est tour à tour, au gré des réminiscences, projetée vers un passé jalonné de rencontres prestigieuses, de relations passionnelles et tumultueuses. La fougue bouillonne en elle. Elle n’est jamais une fin en soi, une recherche. Elle en est nourrie, constituée. La passion est jeu, verbe, vie, son sang. A quoi bon vivre tièdement ! Elle est celle par qui les cinéastes espèrent, réalisent, fantasment aussi. Elle le sait et son aura crée, de son vivant, un mythe lourd à porter.
Egérie, muse devenue mythe après avoir été l’inspiratrice des plus grands réalisateurs italiens, La Magnani occupe et envahit le panorama féminin des comédiennes de son temps, elle crève l’écran et pulvérise les planches. Marie Joséphine Susini avec un tact de mortelle-éternelle évoque, le temps d’une messe d’obsèques, les moments forts, prégnants de son parcours de vie de femme, de comédienne et d’actrice qui se sait mythe vivant. Le présent de narration fait place aux temps du récit et un singulier ballet se déploie vaste à souhait, formidablement intense, flamboyant des fastes de succès tonitruants et de parcours aux multiples récompenses. Tout lui fut ou presque prestigieux. Elle a été celle par qui le succès des réalisations semblait garanti.
La comédienne parvient, avec retenue mais puissance, vulnérabilité et force, à tisser un personnage complexe, aux multiples facettes qu’elle module avec une belle sensibilité, sans pathos, avec une émotion toujours sincère et juste dans l’expression. Il ne s’agit pas de livrer des souvenirs mais bien plutôt de porter voix à un rôle, le sien, une dernière fois. La création lumière la sublime sobrement et la bande son nomme les films et les réalisateurs.
Au final, saluer celle que l’on peut nommer plus conscisément Zouzou crée comme un éblouissement, celui de constater qu’à elle seule, elle a pu remarquablement incarner autant de femmes dans La Magnani.
Mais ça, c’est pour aujourd’hui, demain, même heure , même lieu, elle sera Gelsomina ! Pour sûr, rendez-vous pris !
Nadine Eid
A voir absolument et, pour les inconditionnels, à revoir !
Anna Magnani jours impairs/ Gelsomina jours pairs
Auteur Armand Meffre
Mise en scène Marie-Joséphine Susini
Interprétation Marie Joséphine Susini
Compagnie Ecl’adâm
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