Les matinales du Figuier Pourpre
- Nadine Eid

- 13 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 juil.
Festival Off 2025
Le Figuier Pourpre
6 rue Figuière Avignon
le 11 juillet à 9h45
Alain Igonet Nouvelles
Lecture Solitudes par Alain Igonet & Silmée Igonet

Alain Igonet est directeur du Figuier Pourpre, la Maison de la Poésie sise rue Figuière à Avignon. Metteur en scène et photographe, il voit selon des plans, des points de vue, des agencements ou des compositions, mais surtout avec des sensations inscrites dans un lieu de solitude. Eprouvée, vécue comme une compagnie, la solitude ne le coupe pas des autres, le narrateur est un je qui s’éprouve et se dit dans une quête constante de sincérité. Dans ses nouvelles, il s’attache à construire un univers propice, apte à accueillir et corroborer ses ressentis. Pour cette lecture, Silmée Igonet prête sa voix et sa diction pour une des trois nouvelles puis les mêle et les conjugue dans la dernière avec celles d’Alain Igonet.
Ma toute belle Isabelle, la bohémienne, est le récit d’une rencontre qui est tissée comme une rencontre amoureuse superbement sensuelle et étonnement crainte. Les détails servent à construire un lieu et un temps investis par une solitude, celle du narrateur. Au fil de la narration, l’auteur donne à voir, à entendre et à ressentir. Les craintes sont analysées, les sensations perçues aussi. Lors de la rencontre avec celle qui se substitue dans ses pensées à la précédente, le douloureux souvenir d’avoir été quitté, l’amène cependant à briser ses réticences. Dans le miroir de son introspection, il redoute la peur que lui inspire les sentiments qui peuvent disparaître et faire place à la souffrance. Faut-il et peut-on s’interdire de vibrer ou d’aimer par crainte d’être abandonné ? L’enfant et la perte, l’abandon par l’être devenu primordial est redouté. Dilemme de l’anticipation, faut-il songer à fuir ? Il rejoue là une peur essentielle de l’enfant. Blessé, à peine guéri, il est un solitaire qui doit s’apprivoiser à l’autre.
Peu à peu la poésie d’une aube naissante, un silence qui devient sonore dans la fumée d’une cigarette, un corps ensommeillé contemplé à loisir et, presqu’à son insu, le narrateur campe son personnage ultrasensible. C’est donc aussi un solitaire qu’il faut apprivoiser.
Respectueux de la liberté de chaque être, il propose. Isabelle, sa toute belle, sa bohémienne ne lui appartient pas, elle a l’indépendance de sa race et une liberté chevillée au corps.Elle choisit de rester auprès de lui. Au fur et à mesure de leur relation, une mutuelle compréhension faite de respect, d’amour s’instaure. C’est donc un espace de clémence, d’amour, de paix et de tranquillité qui accueille Isabelle. La chute de la nouvelle ne clôt pas, bien au contraire, après une possible fin triste, elle s’ouvre sur un bel espoir.
Il faut savoir cultiver son jardin lue, avec une belle réserve, par Silmée Igonet brosse une description d’un lieu sacrifié par les infrastructures routières et la fièvre des promoteurs. La maison de l’artisan n’est plus la même que celle qu’il peut encore, avec nostalgie, contempler sur la très ancienne photo au cadre en verre biseauté. Les Angles dans le Gard, tout proche d’Avignon, possédait encore, il y a quelques décennies, de beaux sentiers de promenade dans la garrigue. Le temps est venu à bout d’un paysage charmant, à la fois naturel et proche des villes. Les zones artisanales et l’entaille béante de la voie rapide pour rallier l’autoroute pour Nîmes, Montpellier et l’Espagne, ont saccagé le paysage aimé et l’ont amené vers un ailleurs semblable à chaque périphérie de grandes villes. Seul, le souvenir et la photo rappellent un lieu autre qui lui a été bien réel, naturel et non approprié par l’homme mercantile.
Dans la troisième nouvelle, Dualité, les deux lecteurs mêlent leur voix. Lui et Elle par des flash-back récurrents, donnent à voir leur couple d’avant et celui d’aujourd’hui. Lui, amoureux la dévorant des yeux alors qu’elle court dans les vagues et elle plantant et rebouchant les trous qu’il lui fait dans le jardin autour d’une piscine aussi inutile que triste, souvenir d’un fils qui n’y a jamais vraiment trempé les pieds et qui, depuis longtemps, a déserté ce lieu ou plutôt leur présence. Le va et vient scandé par cet évidement des trous pour planter qu’elle rebouche visiblement sans qu’aucune plantation soit nommée, parait comme une répétition morbide, comme un morne trajet restant à parcourir avant une destination non souhaitée mais subie. Entre les deux temps, le lien, l’amour est conservé mais il y demeure comme une solitude fatale, comme deux vies en parallèle ; l’un évide, l’autre comble mais qu’importe, les deux actes sont complémentaires.
Silmée et Alain Igonet ont offert, pour cette matinale, une lecture des plus captivantes. Les voix s’harmonisaient et les textes parlaient dans une sensibilité à fleur de peau, amie de nos solitudes partagées.
Nadine Eid
Rendez-vous tous les matins aux Matinales du Figuier Pourpre. Petit déjeuner savoureux peu ordinaire …









Commentaires