KAY! Lettres à un poète disparu
- Fanny Inesta
- 27 sept.
- 3 min de lecture
Théâtre des Halles
Rue du Roi René Avignon
Le 26 Septembre 2025 à 20h

Le Théâtre des Halles affichait complet ce 26 septembre. Sur scène, une constellation d’instruments attendait quatre musiciens. Dès leur entrée sur scène, Lamine Diagne dit au public : « Ce soir, ce n’est ni un concert, ni un spectacle, c’est une convocation" Le ton est donné …trois grands écrans diffusent l’ombre tutélaire d’un poète traversant les époques. Lamine Diagne et Matthieu Verdeil ne se contentent pas de raviver la figure de Claude McKay, emblème de la Harlem Renaissance : ils en éprouvent la force au présent, dans nos oreilles, dans nos corps.
. Jazz, slam, images projetées : l’ensemble prend des allures de carnet de voyage, à la fois géographique et intérieur. McKay, poète jamaïcain, militant et voyageur déraciné, devient ici un compagnon de route posthume. Lamine Diagne, slameur et comédien, engage avec lui un dialogue à un siècle de distance. Les thèmes d’hier,l’identité, l’exil, le racisme, la coexistence des cultures, résonnent soudain avec une troublante actualité.
Cette « convocation » se construit comme une lettre ouverte, un échange à travers le temps. Comment habiter le monde quand on est sans cesse en mouvement ? Comment se construire quand l’histoire vous a assigné une place ? McKay, né en Jamaïque, ayant vécu aux États-Unis, en URSS, en France, a connu l’exil mais aussi le racisme violent de l’Amérique ségrégationniste. Ses poèmes dénonçaient frontalement l’injustice, le mépris, la haine raciale. Sa plume était une arme de résistance.Lamine Diagne s’empare de cet héritage grâce à l'intensité de son saxophone, mêlant sa voix à celle du poète pour faire surgir un présent éclairé par le combat d’hier.Et Marseille n’est pas absente de ce dialogue : ville-monde, port des migrations et des métissages, elle fut aussi un lieu d’inspiration pour Claude McKay. Entendre aujourd’hui résonner sa voix dans cette cité revient à boucler une boucle, à rappeler combien ses écrits s’enracinent dans une expérience du déplacement et de l’accueil.
À la conception, Matthieu Verdeil propose une partition , ample, qui respire comme une carte du monde. Le jazz, langue de la liberté et de l’improvisation, se révèle le véhicule idéal pour porter les mots de McKay. Les images projetées,les témoignages marseillais en fond de scène, prolongent cette impression de voyage, de quête de soi et des autres.
De la vibration du saxophone aux éclats de la guitare et de la batterie, de l’entrelacs des voix aux images, naît une dramaturgie de la correspondance. Comme une longue lettre lue à haute voix, adressée autant au poète disparu qu’au public d’aujourd’hui.
C’est un manifeste, un cri, une invitation à reprendre à notre compte les questions que McKay posait déjà : comment vivre ensemble dans un monde fracturé ? Comment transformer la mobilité en force plutôt qu’en malédiction ? Comment affronter le racisme sans perdre sa dignité ni sa voix ?
À voir absolument pour celles et ceux qui croient encore que la poésie peut changer le monde. Un bel hommage d’autant plus vibrant qu’il est porté par le talent des musiciens et des chanteurs, capables d’insuffler chair, souffle et émotion à cette correspondance hors du temps.
Et comme un signe de cohérence avec l’esprit d’ouverture qui le traverse, cette création était libre d’entrée, grâce au soutien de la Région Sud et portée par son opérateur culturel Arsud, avec l’appui de la Fondation Stin AKRI, fondation pour la mémoire de l'esclavage. Un geste qui prolonge, jusque dans l’accès au public, l’idéal de partage et d’hospitalité porté par Claude McKay.
Fanny Inesta
Conception: Matthieu Verdeil et Lamine Diagne
Texte, dramaturgie, lecture récit: Lamine Diagne
Musiciens: Lamine Diagne, Wim Welker, Cédrick Beck et Mike Ladd
Création vidéo: Matthieu Verdeil
Scénographie: Eric Massua
Lumière et vidéo: Thibault Gagneux et Damien Leclerc
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