En Casa de Los Bolécos

Théâtre du Chien qui fume

75 Rue des teinturiers Avignon

Vendredi 21 Mars à 20H

Photos: F. Inesta

Si les rues d’Avignon étaient désertes en ce vendredi pluvieux, le Théâtre du Chien qui Fume, lui, débordait de vie. Pas un strapontin de libre, pas un souffle qui ne vibre à l’unisson de ce moment d’exception. Et comme le public a eu raison de braver la pluie ! Assister à En Casa de Los Bolecos, c’est se rendre au-delà d’un spectacle , c’est franchir le seuil d’un foyer où le flamenco est une empreinte indélébile, un héritage qui se transmet avec ferveur de génération en génération.

Luis de la Carrasca, figure emblématique du flamenco en France, a orchestré cette rencontre avec une générosité et une sincérité profondes. Il les connaît depuis toujours, a vu grandir certains d’entre eux, et lorsqu’il en parle, on perçoit toute l'importance que cette famille possède à ses yeux. Il ne propose pas seulement une représentation, il nous ouvre les portes d’une veillée familiale, où le chant, la danse et la guitare sont des élans du cœur, des fragments d’âme livrés à nu. Loin des artifices, ici, tout est authenticité : une force brute, viscérale, où chaque note, chaque frappe de pied résonne comme un cri du sang et de la mémoire. On le remercie d’offrir ce partage intime, cette histoire vibrante où générosité, transmission et amour s’entrelacent avec intensité. En casa de Los Bolecos est une immersion totale dans un univers où le flamenco est bien plus qu’une expression artistique! C’est un souffle vital, un pilier identitaire entretenu avec une ferveur immuable depuis quatre générations.

Sur scène, trois générations, une dynastie de gitans de Marseille tissent un tableau d’une puissance inouïe, nous rappelant que le flamenco ne se transmet pas uniquement par la technique, mais par l’héritage , la mémoire et le lien filial. Le jeune prodige de la famille Pepe Gomez, à peine sorti de la petite enfance, manie déjà la guitare avec une aisance impressionnante, promesse d’un avenir flamboyant. Aux cordes, Manuel et Luis Gomez soutiennent avec une précision magistrale les voix puissantes de Manuel Gomez et Justo Eleria, tour à tour plaintives et exaltées, capturant l’essence du cante jondo , ce chant profond qui puise aux racines du duende et de l’âme andalouse.Nous vibrons à l’unisson, portés par le rythme envoûtant du percussionniste, qu’il joue sur son cajón ou une percussion africaine...

Mais En casa de Los Bolecos s’élève encore davantage grâce à la présence de deux artistes invités d’exception. Antonio Campos "Bocaillo", immense chanteur du Tablao Flamenco Cordobés de Barcelone, insuffle une intensité qui nous saisit aux tripes, sa voix habitée creusant jusqu’aux tréfonds du flamenco. À ses côtés, le danseur, ce génie Ricardo Fernandez "El Tete", à seulement 24 ans, illumine la scène par sa fougue et sa maturité artistique hors du commun.Son zapateado fulgurant, sa gestuelle habitée et d’une précision inouïe, son charisme magnétique, son élégance… Tout en lui rappelle que le flamenco est un langage du corps, une transe, une libération de l’âme à travers le mouvement.

Dans ce temple de ferveur et d’émotion, la danseuse Finine Gomez éclaire la scène de sa grâce et de son expressivité . Chaque frappe de pied, chaque regard est une déclaration, un dialogue vibrant avec la musique et le public. Par sa présence, elle sublime cet hommage à la culture flamenca.

En quittant la salle, on ne sort pas seulement d’un spectacle, mais d’un moment suspendu, d’un instant de vie partagé avec ces artistes habités par leur art. Ici, il ne s’agit pas de performance : En casa de Los Bolecos abolit la frontière entre la scène et le public. On n’assiste pas au flamenco, on le vit, on le ressent, on le partage. Plus qu’un hommage, c’est une célébration brûlante d’une tradition qui continue de vibrer avec force et fierté.

Un moment de passion pure, qui nous rappelle que le flamenco n’est pas figé dans le passé, mais un art en perpétuelle réinvention, un cri d’humanité qui traverse le temps et les âmes. À voir, à ressentir, à s’imprégner sans réserve.

Un uppercut en plein coeur qui s’est terminé par une standing ovation de tout le public.

La soirée s’est poursuivie dans une atmosphère chaleureuse et festive, autour d’une sangria savoureuse concoctée par Gérard Vantaggioli . Un instant de partage où spectateurs et artistes ont pu prolonger la soirée, immergés dans l’âme vibrante de ce festival. Une fois de plus, Béatrice Valéro a su surprendre et émerveiller par la richesse et la diversité de sa programmation, confirmant ainsi la singularité et la magie de cet événement incontournable. Il reste plein de dates à venir pour notre plus grand bonheur !

Fanny Inesta

Avec : Manuel Gomez (direction artistique et guitare)

Luis Gomez (guitare)

Pepe Gomez ( guitare)

Manuel Gomez (chant)

Justo Eleria (chant)

Finine Gomez (danse)

Artistes invités : Antonio Campos « Bocaillo » (chant)

Ricardo Fernandez « El Tete » (danse)