FORT
Le 4 Octobre 2024 à 20h à Vedène (84)
Le 14 Janvier 2025 à 20h45 à Meudon (92)
Le 16 Janvier 2025 à 20h30 à Fouesnant (29)
Le 22 Janvier 2025 à 20h à Rennes (35)
le 23 Janvier 2025 à 20h à Rennes (35)
Le 24 Janvier 2025 à 10h à Rennes (35)
Photos: F. Inesta
La presse était conviée grâce à Catherine Guizard ce jeudi 3 octobre 2025 dans ce très joli lieu de l'Autre Scène, l'Opéra Grand Avignonà Vedène. Un accueil délicieux nous attendait avant de prendre place dans l'attente de la pièce Fort, texte et mise en scène de Catherine Anne.
Un piano demi-queue trône au milieu d’une forêt, il est veillé par un vieil homme muet. Des cieux peints sur des panneaux en transparence, s’élèvent au milieu de cette nature. Arrive un pianiste virtuose qui vient donner un concert. Ce n'est pas un concert ordinaire ; c'est une confrontation avec le passé, un retour sur une terre de cicatrices. Ici, autrefois, il y avait un village, et au cœur de ce village, une mère musicienne qui vivait et jouait. Désormais, ce village n’est plus qu’un champ de ruines, balayé par la guerre, laissant derrière lui des traces invisibles, des mémoires dispersées, et des plaies ouvertes.
Il revient sur cette terre dévastée pour offrir sa musique, non pas seulement à un public d'auditeurs mais à des âmes perdues, aux souvenirs de sa propre enfance brisée. Ses doigts tremblent alors qu'ils effleurent les touches noires et blanches du piano, cet instrument qui fut autrefois symbole de beauté et d'harmonie. Aujourd'hui, c'est un poids, un fardeau d'émotions. En effet, pour qui cette musique est-elle destinée ? Pour les vivants qui arriveront bientôt pour l'écouter, ou pour les morts qui hantent encore ces lieux ? Ces morts, qui autrefois peuplaient ces collines, qui riaient, travaillaient, et parmi eux, sa propre mère, figure centrale de son enfance.
La guerre, absente mais omniprésente dans le paysage, a laissé des traces, comme si les bombardements avaient transformé chaque brin d’herbe en une note de douleur. Pourtant, il reste ici quelque chose de sacré, de vital. La musique, toujours là, a survécu.Mais la musique peut-elle vraiment renaître dans les ruines ?
Le pianiste joué par Sava Lolov est bouleversant dans ses incertitudes. Ses mains sont lourdes, tremblantes. Pourra t-il retrouver la pureté du geste musical, cet élan spontané qui le liait autrefois à sa mère ? Ou bien sa musique sera-t-elle déformée par le poids des traumatismes ? Entre les touches noires et blanches, se dessinent l’harmonie et le chaos.
Pleinement investi dans son rôle, Sava Lolov joue et équilibre avec force, finesse et conviction. Sa gestuelle est marquée par une fluidité et une souplesse dans ses déplacements. Son corps, ses pas de danse racontent autant que ses mots, que sa voix, tout vibre en lui, ses paroles et la musique s’entremêlent avec beaucoup d’émotion .
Le gardien du piano, silencieux, joué par Yves Bressiant excelle dans son rôle. Pourtant muet, sa présence scénique, son regard, sa maîtrise du rythme captent notre attention et nous donne l’impression « qu’il parle » malgré l’absence de mots.
Puis, il y a cette femme, cette figure maternelle, revenant d’outre-tombe pour guider et apaiser .Elle semble faire renaître le piano qui chante sous ses doigts. Est-t-elle l’esprit de la mère qui revient pour guider son fils ? Sa présence est une promesse car même dans les ténèbres, il reste une lumière. Dana Ciocarlie allie des extraits de Ravel, Schumann et Chopin aux compositions contemporaines de Benoît Menut, et nous offre un voyage musical d'une belle profondeur .
Fort, explore la force de l'art à surmonter les violences de l’histoire. Ici, la musique devient une arme douce mais puissante, une réponse à la destruction, un hymne à la beauté .La musique est non seulement nécessaire, mais elle devient vitale. Elle est le souffle qui permet de surmonter, de restaurer l'harmonie dans un monde en ruines.
Jouer pour l’avenir, jouer pour guérir, jouer pour maintenir cette flamme vacillante dans un monde où la violence a semblé vouloir tout éteindre. Une pièce qui, sous l'apparente simplicité de son décor, explore la puissance de l’art face à la dévastation. L’art comme tentative désespérée mais nécessaire de réparation, de survie face à l’absurde.
Fanny Inesta
Texte et mise en scène: Catherine Anne
Musique: Benoît Menut
Scénographie: Raymond Sarti
Assistant mise en scène: Damien Robert
Avec : Yves Bressiant, Dana Ciocarlie, Sava Lolov
Lumières: Jean Grison
Régie lumière: Emilie Picot
Régie générale: Gilles Fournereau
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