WASTED
- Peter Barnouw

- 8 juil.
- 3 min de lecture

FESTIVAL OFF 2025
Le 11, boulevard Raspail – réservations en ligne www.11avignon.com
Parfois, il arrive que l’on ait envie d’assister à un spectacle du Off parce que l’on connaît la compagnie, parce que l’on connaît le théâtre et ses valeurs sûres, parce que l’on connaît une comédienne ou un comédien qui y participe. Ou encore le metteur en scène.Votre chroniqueur connaît la compagnie qui est venue, pour la première fois, il y a quarante ans jouer pendant le Festival Théâtr’enfants… et pour les Autres à la Maison du Théâtre pour Enfants.Aujourd’hui, cette compagnie joue au Théâtre 11. Une nouvelle génération d’acteurs, de techniciens et de metteurs en scène a pris le relais. Une génération de trentenaires.Ils se sont approprié un texte de Kae Tempest. Kae Tempest a clôturé le 76ᵉ Festival d’Avignon avec un spectacle musical, The Line is a Curve, dans la Cour d’Honneur.Kae Tempest fait partie d’une génération qui doute, qui est révoltée contre la société mais ne fait pas la révolution.L’Angleterre a eu ces générations révoltées. Les Angry Young Men pendant les années cinquante. Les Rockers et les Modspendant la fin des sixties et le début des seventies, les Punks pendant l’ère Thatcher.Chaque fois que cela se produit, une nouvelle forme de culture apparaît. Par la musique, par la littérature, par les arts picturaux. Les trentenaires d’aujourd’hui sont de cette génération et il me paraît tout à fait normal que ce texte ait eu un écho presque immédiat chez les trentenaires de la Mascara, compagnie de Nogent-l’Artaud, dans l’Aisne et les méandres de la Marne.Wasted, en sa version théâtralisée, raconte le quotidien de trois personnages, une femme et deux hommes.Ils racontent leurs rêves d’il y a une dizaine d’années, lorsque leur ami Tony était encore parmi les vivants. Depuis, l’un d’entre eux travaille de temps à autre et rêve de succès planétaire avec un groupe de musique imaginaire. L’autre se complaît dans une vague vie de famille avec un boulot où il s’ennuie, et la troisième, la fille, essaie d’être institutrice, une passeuse de savoirs, mais n’y arrive plus.Les trois amis se défoncent régulièrement, se soûlent le samedi soir et sniffent à tout va. Ils parlent du passé, lorsque Tony était encore présent, du présent et d’un futur inatteignable. Le tout dans un langage cru, direct, comme un coup de poing au milieu de la figure.Et, en même temps, durant tout ce spectacle, il y a une sorte de paisibilité qui s’en dégage. Malgré la violence du contexte. Malgré la violence des mots.Le spectateur est en droit de se demander comment cela se termine. Où vont les trois personnages ? Où va le disparu ?De fait, l’on a l’impression que rien ne change. Mais une certaine sagesse s’est emparée du trio. Ou alors l’acceptation que rien ne peut changer véritablement, sauf s’ils ne changent pas eux-mêmes.Tout le spectacle est accompagné, illustré, soutenu et parfois même dirigé par une musique en partie composée d’avance, pouvant s’adapter à l’atmosphère de la salle, à l’humeur de la troupe, au rythme du spectacle.Une musique par clavier, par harpe celtique, clavier et pédalier de mixage et du chant, permettant également aux spectateurs de se fondre dans cette atmosphère d’une Angleterre qui s’enfonce dans un marasme compliqué.Le metteur en scène, Martin Jobert, n’a pas essayé de transposer tout cela dans une situation française. C’est aux spectateurs de chercher, de se situer et, éventuellement, de comprendre.Par cette mise en scène, somme toute assez sobre, avec un décor sobre et contextuel, tout est réussite dans cette présentation d’un auteur binaire, pas forcément compréhensible à la première lecture, à la première écoute, au premier regard.Un spectacle de grande qualité avec une troupe dont on ressent la cohésion, la solidarité et la connivence.Un spectacle à voir. Sans hésitation aucune !
Peter Barnouw
Texte : Kae Tempest - Traduction : Gabriel Dufay et Oona Spangler
Mise en scène : Martin Jobert -
Assistante mise en scène : Ada Harb
Avec Tristan Pellegrino, Kim Verschueren, Simon Cohen et Raphaël Mars, musicien.
Conception musicale : Raphaël Mars
Conception décors : Louis Heiliger
Création lumière : Gautier le Goff
Régie son : Simon Garette
Costumes : Juliette Chambaud
Production : compagnie Méchant Méchant ; production déléguée Théâtre de la Mascara









Merci pour cette critique profonde !