Réponse sexuelle
- Fanny Inesta

- 7 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juil.
FESTIVAL OFF Avignon 2025
Le Figuier Pourpre
6rue Figuière
Du 5 au 26 Juillet à 16h20 (relâche les 7,14,21)

Réponse sexuelle : quand la plume tremble sous le désir
Et si la réponse la plus viscérale n’était pas celle que l’on attend ? Et si, à un désaccord esthétique ou à un jugement éditorial brutal, on ne répondait ni par argument, ni par silence, mais par une effraction sensuelle, débordant le langage pour mieux l’interroger ? Réponse sexuelle, nouvelle pièce de Marine Fabre, embrasse cette question avec la douceur d’une gifle et l’élégance d’un renversement.
Julie est autrice. Elle écrit. Mais quand Françoise, éditrice toute-puissante et impérieusement snob, envoie une lettre au vitriol sur son dernier manuscrit, la plume se fige. Le reproche : son personnage masculin, Julien, sonne faux. Pire : il serait le symptôme de son inaptitude à penser le masculin. Blessée dans sa création, Julie entre alors dans une spirale mentale où le besoin de répondre devient vital. Et pourtant, cette réponse ne prendra pas la forme d’une simple lettre. Ce sera autre chose. Quelque chose de plus obscur, de plus incarné. Une réponse charnelle, presque viscérale.
Dans cette pièce mordante, où les rôles sociaux s’égratignent au fil des dialogues, l’échange entre Julie et Françoise devient l’arène d’un affrontement déséquilibré. Car Françoise n’est pas qu’une éditrice : elle incarne ce pouvoir vertical, condescendant, qui croit savoir ce qu’est la littérature, qui parle depuis son piédestal, et assène. Julie, elle, vacille, doute, mais refuse de se taire. Au cœur de cette dialectique de la domination, un personnage surgit : Julien. L’élément perturbateur. Ou le révélateur.
Julien, ce protagoniste mal aimé, mal né peut-être, que Françoise considère comme un avorton littéraire, devient peu à peu le lieu d’un trouble. Non plus seulement un rôle mal construit, mais un miroir inversé, une zone de trouble dans l’identité de Julie. Et c’est là que la pièce bascule : ce personnage honni va éveiller, malgré lui, une parole enfouie. Une parole qui traverse les assignations de genre, les postures attendues, pour s’écrire enfin. De corps à corps.
Julie va-t-elle répondre à Françoise ? Oui. Mais pas comme on l’attend. Sa réponse se glisse ailleurs, dans une strate que les mots seuls ne sauraient contenir. Une réponse sensuelle, sexuelle, métaphorique, et pourtant profondément politique. Parce qu’elle déjoue les conventions du discours, parce qu’elle assume le désir comme geste d’écriture, et l’écriture comme acte de réappropriation.
Sur scène, Laura Leponce-Grasset livre une performance d’une justesse et d’un mordant remarquables , elle prête son souffle à cette métamorphose. À la fois Julie et Françoise dans un jeu d’échos brillamment maîtrisé , elle incarne l’ironie, la colère rentrée, les ruptures de ton. Son imitation de Françoise, à la limite de la caricature, fait mouche. Mais jamais gratuitement : toujours pour révéler le masque. Et face à elle, Vicky, l’amie-confidente, contrepoint comique et révélateur involontaire du malentendu permanent dans lequel s’enlisent les échanges quotidiens.
Réponse sexuelle ne parle pas que d’édition ou de théâtre. Elle interroge plus largement notre rapport à la communication, à ce que l’on se dit sans s’écouter, à ce que l’on tait sous les apparences. Elle met en scène l’échec du langage comme mode d’échange, et son déplacement par le corps, par le désir , comme tentative de salut.
Une pièce traversée par les grandes questions contemporaines : genre, autorité, identité, domination symbolique et transgression. Le tout porté par une langue riche, hybride, qui ne craint ni les glissements ni les collisions.
Marine Fabre, déjà remarquée pour Chair bleue, propose ici un spectacle dense, multiple, profondément ancré dans les questions d’aujourd’hui : l’identité, le pouvoir symbolique, la place du corps dans l’acte d’écrire, la féminité assignée, le regard de l’autre. Mais ce qui aurait pu sombrer dans l’essai conceptuel reste porté par une légèreté salutaire : Réponse sexuelle est aussi une comédie, pleine d’ironie mordante, qui tourne en dérision nos conventions absurdes et nos postures bien apprises.
Cette pièce ne parle pas seulement d’un conflit entre une autrice et son éditrice. Elle dévoile ce que chacun vit, à sa façon : cette lutte entre ce qu’on nous demande d’être et ce que l’on est vraiment, ce que l’on devient lorsqu’on accepte, enfin, de répondre avec tout son être.
Fanny Inesta
De Marine Fabre
Mise en scène: Marine Fabre
Avec: Laura Leponce-Grasset
Affiche: Joshua Martin









Lorsque l'écriture du critique rejoint dans l'analyse le sens de l'écriture de l'auteur, salue la performance de la comédienne et reconnait la partition exécutée, on envie de dire merci en applaudissant !