RODA FAVELA
- Fanny Inesta

- 14 juil.
- 3 min de lecture
FESTIVAL AVIGNON OFF 2025
LE 11
Bd Raspail
du 7 au 24 Juillet à 21h30 (relâche les 11 et 18)
Roda Favela c’est d’abord cela : l’authenticité. Tous les artistes en scène résident dans des favelas de Recife au Brésil. Ils sont issus des ateliers de formation du collectif O Grupo Pé no Chão, une structure ancrée sur le terrain, qui, depuis des années, propose aux jeunes une autre voie que celle des gangs ou de la délinquance. Un travail de fond, d’éducation artistique, de transmission. Et cela se voit : ces interprètes maîtrisent avec exigence la danse, le théâtre, la musique, le clown ou encore l’acrobatie. Mais surtout, ils portent en eux une urgence, une vérité.
Le public s’installe lentement dans la grande cour du lycée Mistral, à Avignon. Une cour transformée pour l’occasion en scène à ciel ouvert. Il fait à peine nuit, et déjà, la fiction s’est glissée dans le réel. Pas de noir, pas de lever de rideau : on est dedans. Ou plutôt dans la favela,celle de Recife au Brésil, qui s’anime avant même que le public ait pris place.
Des cabanes de bric et de broc, empilées comme un puzzle fragile, bordent le plateau. Leurs petites fenêtres s’ouvrent soudain, des voix éclatent, ça braille, ça vit, ça boit... U Une radio crache un vieux tube de funk brésilien, une dispute éclate entre deux étages. L’immersion est immédiate, saisissante de naturel. Il ne s’agira pas ce soir de représenter la favela, mais de la faire exister, là, devant nous, avec ses bruits, ses odeurs, son souffle.
Ils sont douze sur scène ,ou plutôt dans la vie ,à composer cette mosaïque d’histoires entremêlées entre danse, musique, et vidéos. Douze jeunes gens qui incarnent une jeunesse des marges, débrouillarde, vivace, trop souvent caricaturée ou oubliée. Il y a celle qui apprend le violoncelle sur YouTube, dans une chambre minuscule. Celle qui veille sur son frère embarqué dans un trafic dangereux. Un couple qui gagne sa vie en jouant aux feux rouges, après s’être fait voler son salaire. Des scènes du quotidien, à la fois banales et poignantes, livrées sans misérabilisme .
Roda Favela, c’est souvent un monde que l’on regarde rarement autrement que par le prisme de la violence. Ici, on découvre aussi l’amour, la fête, les amitiés, les disputes, les rêves, l’énergie explosive du collectif. Le baile funk, cette transe dansée du week-end, électrise la scène comme une marée qui emporte tout : douleurs, frustrations, désirs. La fête devient catharsis. On danse pour exister, on danse pour tenir debout, on danse parce que c’est une manière d’exister. De résister. D’oublier, ne serait-ce qu’un instant.
Mais cette énergie du collectif, portée par les racines afro-brésiliennes, se fissure quand un meurtre vient frapper la communauté. La violence revient, brutale, inévitable. Et avec elle, la question de la vengeance. Pourtant, même dans ce moment de bascule, quelque chose tient. Une force. Une dignité. Une lumière.
Le portugais du Brésil est la langue de ce spectacle. Charnelle, musicale, rugueuse parfois. Les surtitres n’interviennent que lorsque c’est nécessaire. Le reste passe par les gestes, les regards, la chair. Ce théâtre : il ne raconte pas, il fait vivre. Il ne cherche pas à adoucir le réel, encore moins à l’esquiver. Il le prend à bras-le-corps, hurle avec lui, rit avec lui, danse avec lui.
Roda Favela, est une déclaration d’existence lancée à la face du monde. Un chant de lutte et de joie mêlées, dont on ressort bousculé, et étrangement lumineux. Parce que dans ces rues étroites, ces vies cabossées, une vérité essentielle s’impose : celle de la vie, coûte que coûte.
On ne regarde pas la favela, on y entre. On l’écoute battre. On y entend les promesses déçues, du beau travail! C'est complet chaque soir, il faut réserver! et ce avant le 24 juillet!
Fanny Inesta
Dramaturgie et mise en scène: Laurent Poncelet
assistant chorégraphe: Jose W.Junior
distribution: Taynia da Silva Salomé, , José Lucas de Souza, Carvalho, Samira Dias Martins de Oliveira, Marcio Luiz do Nasciemento, Lucas do Nascimento Ramalho, Clécio Carlos dos Santos, Alyson Victor Oliveira da Silva, Enerson Fernando Ribeiro Alves da Silva, Glaucilene Ribeiro da Fonseca, Myriam Vitoria Rufino Santos, Rita de Kassia Tenorio dos Santos, Rinaldo Tenorio dos Santos
Création lumière: Jonathan Argémi
Création musicale: Clécio dos Santos
Images: Martin Monti-Lalaubie
Montage vidéo: Christian Cuilleron















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