Pourquoi les gens qui sèment
- Fanny Inesta
- 14 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 juin
OFF Avignon 2025
La Factory
Salle Tomasi 4 rue Bertrand Avignon
du 5 au 26 Juillet 2025 à 12h40 (relâche les mardis)
avant-première: le 13 Juin 2025 à 19h
Crédit photos: Roxana Albu-Mercié
Ce soir, c’était une avant-première, et déjà une standing ovation du public !
Dans un théâtre transformé en une grande place publique, "Pourquoi les gens qui sèment", dernière création de Sébastien Bizeau, interroge et met à nu les fissures de notre vivre-ensemble . Quel est le rôle de l’ordre ? Est-il un rempart indispensable à la vie commune ? Sans doute. Mais lorsque ce cadre se rigidifie, devient sourd aux urgences écologiques, humaines ou sociales, alors l’ordre peut vite basculer en instrument d’oppression. Et c’est dans cette brèche que s’engouffrent luttes, ruptures, actes de désobéissance et avec elle, nos doutes et désaccords.
La pièce convoque des figures familières , Antigone et Créon, ici rebaptisés Chloé militante écologiste et Antoine préfet en poste.
Le spectateur, dès son entrée dans la salle, est surpris par ce dispositif immersif, déstabilisant. On ne sait plus très bien où est la scène, où commence le spectacle, et c’est précisément le but. Tour à tour, public d’un plateau télé(même Hanouna est là!) collectif militant, ou encore témoin d’un procès, chacun est invité à participer à cette mise en tension du politique. Le théâtre, ici, ne se regarde plus passivement : il nous regarde aussi...
Le texte est dense, parfois brutal, et embrasse sans détour toute la complexité de notre époque.
S’appuyant librement sur la figure d’Antigone,ce spectacle met en scène un véritable combat de titans entre militants et institutions. Le cœur du conflit : l’écologie, incarnée ici par la question brûlante des bassines, ces réserves artificielles censées pallier la pénurie d’eau estivale. Mais qui a raison ? Les agriculteurs qui y puisent pour sauver leurs récoltes ? Ceux qui n’y ont pas accès ? Les pouvoirs publics qui tentent de concilier production et régulation ? Les militants qui dénoncent un accaparement des ressources ? Les juges, eux, tâchent de faire entrer ce chaos dans le cadre de la loi. Un champ de bataille où tout le monde a ses raisons, mais où personne ne semble vraiment entendre celles de l’autre.
Dans cette joute contemporaine, le pauvre préfet Antoine joué par l’excellent Paul Martin en prend plein la "gueule" !. Bousculé par les activistes, tiraillé par ses propres doutes, il incarne cet entre-deux inconfortable où se débattent ceux qui servent l’État, quand l’ordre devient un poids .Et si son rôle n’est pas facile, il l’interprète avec profondeur, ni bourreau, ni martyr, simplement humain, et seul au milieu de la tempête.
Heureusement, la gravité du propos n'écrase jamais le spectacle. De subtils intermèdes musicaux offrent des respirations bienvenues, et surtout nous offre l’espace nécessaire pour assimiler, ressentir, et réfléchir. .Et puis, on rit souvent, notamment grâce à la conférencière délicieusement hilarante.
Le jeu de tous est une précis, habité, totalement libre. » !Ils sont bluffants ! Matthieu le Goaster incarne plus de dix rôles, Natassia Silve presque autant ! On sent chez eux le pur bonheur de se réinventer sans cesse, d’embrasser toutes ces vies en une seule soirée, passant de l’un à l’autre avec tellement d’aisance.
Gwenaëlle Couzigou crève la scène en militante écologiste amoureuse : combative, électrique, d’une vérité tranchante, elle impose sa présence avec un naturel renversant. »
Leur performance est magnifique ! On assiste à un théâtre de haute volée!
Après le succès mérité "Heureux les orphelins, encore à l’affiche cet été au théâtre des Gémeaux,
Sébastien Bizeau confirme ici une signature : celle d’un théâtre engagé. Un théâtre qui n’assène pas, mais qui questionne, qui ne milite pas, mais qui dérange, au sens noble du terme.Un théâtre qui fait confiance à l’intelligence du public .Ce théâtre-là ne donne pas de leçons, mais il éveille.
Un spectacle qui s’impose déjà comme l’un des temps forts de ce festival, et qui, comme son prédécesseur, ne manquera pas de rencontrer un large public. On quitte la salle un peu retourné...
Une idée, une colère, un doute ,quelque chose qui reste, longtemps après la dernière réplique. ». « Une graine semée en nous, à chacun de voir ce qu’il en fera, une fois la lumière rallumée. »
Fanny Inesta
Texte et mise en scène: Sébastien Bizeau
avec: Gwenaëlle Couzigou, Matthieu le Goaster, Paul Martin et Natassia Silve
Lumières: Thomas Ruault
Décors: Raphaël Guinamard
Costumes: Claire Jacob
Création sonore: Iris Lainé
Création vidéo: Pierre Monchy
Une écriture, une belle critique intelligentes! De bons acteurs! Apparemment tous les ingrédients réunis pour se régaler!