Plaidoirie d une soumise
- Nadine Eid

- 9 juil.
- 3 min de lecture
Festival Off 2025
Au verbe fou
95 rue des Infirmières Avignon
du 5 au 26 juillet à 19h45
Relâche les mercredis 9,16 et 23 juillet
Durée 1h15

Le SM ou le BDSM Bondage, domination, soumission et sadomasochisme explorent sans tabous les arcanes du plaisir procuré par les relations sexuelles mais aussi, voire surtout, par la douleur.
Plaidoirie d’une soumise porte en elle-même l’ambition peut-être antagoniste de défendre et de revendiquer. Défendre un dominateur mais ce pourrait être une dominatrice, accusé de sévices et de tortures et revendiquer dans le même temps le droit à la liberté du plaisir obtenu quel que soit le moyen pourvu qu’il soit librement consenti. En d’autres termes et plus simplement exprimé, aborder en défense le droit de souhaiter être violentée, frappée, échangée, troquée, humiliée … est éminemment énoncer le droit de jouir comme bon nous semble dès lors que le consentement est formulé en toute liberté, sans chantage, sans contrainte, sans emprise autre que celle nous nous octroyons à nous-mêmes.
La sexualité est totalement liée, comme soumise, elle surtout, aux fantasmes et totalement dominée, elle aussi, par les mêmes fantasmes quels qu’ils soient.
Ces sujets ne peuvent être galvaudés ou sacrifiés sur l’autel du normatif ou de la légalité. Entre deux personnes saines de corps et d’esprit, les relations sexuelles respectueuses de pacte et de consentement devraient donc être reconnues, établies sans que la loi puisse avoir matière à promulguer des sentences ou des veto. Et pourtant, la morale perturbe depuis des lustres la liberté de jouir. Notre société judéo-chrétienne a lié plaisir et procréation pour juguler le premier comme la récompense du second condamnant des générations à l’abstinence ou à la masturbation. La contraception a fait place nette ou presque. Les contraintes liées à la manipulation perverse et narcissique écartées, quid de la liberté à disposer de son corps pour en extirper le plaisir et la jouissance ?
Mais, autrement formulé et plus probant que ces assertions, écoutons et regardons Solène Collin.
L’intimité a sa lumière propre. Tamisée, comme feutrée, les chandelles des candélabres soulignent un décor où les rouges rivalisent avec les noirs ou les bleus profonds. Le devant de la scène, rideau fermé, nomme l’espace public offert aux spectateurs, à la sphère publique plus prompte à juger qu’à comprendre ou à tenter de le faire. La mise en scène de Solène Collin est sobre. Un alternat entre deux costumes, deux tenues, deux rôles va servir la polarité de la dualité. La robe de l’avocate confère le droit, celui d’arguer, de questionner, de légitimer ou d’invalider des actes qui semblent condamnables tels que la séquestration, la torture…. Derrière le rideau, la même femme mais dénudée, en guêpière et porte-jarretelles, interprète des scènes dans et par lesquelles, elle révèle ce qu’elle est, se veut et revendique ainsi sa liberté dans des choix qui pourraient sembler aliénants. Pénélope est une soumise et elle confie sa rencontre avec celui qu’elle nomme son maître. En voix off, la présence de ce maître à qui elle est soumise et doit obédience est d’autant plus prégnante que la voix dicte, demande et de fait, ordonne, comme si elle avançait sur le fil des fantasmes de Pénélope. Au fur et à mesure des scènes conçues comme des tableaux où les degrés d’exigence sont accrus, s’instaure entre la soumise et le maître, une relation d’étroite connaissance. Tout se passe comme si finalement, le maître était au service de la soumise et devait veiller à déceler en elle les fantasmes les plus tus et les moins révélables, ceux scellés par l’autocensure. Au final, la scène de fouet où nue, sous les coups imaginés, elle parvient à l’orgasme, est comme la révélation incarnée de l’acuité des fantasmes dans le plaisir. La cage, le marché aux esclaves, ne sont que des simulations de jeux érotiques et, ce qui se joue sous nos yeux par la pulsion scopique mortifère qui nous questionne, c’est plutôt la théâtralisation de nos fantasmes, certes, mais aussi de nos désirs les plus classiques. Il suffit d’un stop pour tout arrêter et d’un maître pour tout oser demander.
C’est audacieux et vraiment ambitieux car Pénélope démultiplie les questionnements mais jamais n’y répond. Son jeu ouvre les consciences, récuse les partis pris et les arguments à charge peuvent tous être balayés car, au final, nous ne sommes pas dans un jeu de dupes.
Nadine Eid
A voir pour l’interprétation remarquable de Solène Collin et le choix d’un sujet de taille courageusement mis en scène
De Solène Collin
Interprétation Solène Collin
Création son Solène Collin
Logistique Jacques Lemoine
Photographie Alex
Costume Ktel
Compagnie Pénélope









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