Pierre Emonot face au peuple
- Fanny Inesta

- 10 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 juil.
FESTIVAL OFF 2025
Théâtre de l'Ange
rue des Teinturiers
du 5 au 26 Juillet à 20h10

"Mais qu’est-ce que vous foutez là ? Pourquoi venir me voir ? " Pierre Emonot ouvre son spectacle par cette apostrophe ironique, mi-provoc, mi-lucide, qui résonne presque comme un aveu involontaire. Car en effet, on se le demande parfois.
Il entre en scène avec panache, costume impeccable, grand sourire , avec cette phrase d’ouverture Une façon de briser le quatrième mur ? Peut-être. Une manière de nous avertir qu’on pourrait bien ressortir secoués ? On aurait aimé.
Tout est en place : un Luchini crédible, une gauche caviar joliment croquée, une droite spectacle habilement moquée, un Hanouna savamment déglingué. L'autodérision est au rendez-vous , il se qualifie lui-même de « petit gros », déguisé en cubi . On rit, certes. Mais de quoi, au juste ? Et surtout : pourquoi si peu ?Pierre Emonot observe avec précision, restitue avec adresse, pique là où il faut. Le public, acquis d’emblée, suit avec enthousiasme. Pourtant, une forme de lassitude s’installe : comme si chaque effet comique, aussi maîtrisé soit-il, venait clore la réflexion plutôt que l’ouvrir.Certes, le spectacle ne manque pas de verve. Avec son phrasé distingué, Pierre Emonot se glisse parfaitement dans la peau d’un intellectuel bourgeois à l’ironie tranchante. Des films de gauche aux livres de droite, des conspirations les plus absurdes au sacrosaint beaujolais nouveau, tout y passe. Et que dire de son combat acharné pour la baguette pas ou trop cuite ?
Car si l’humour ici amuse, il ne dérange jamais. Il conforte plus qu’il ne bouscule. Le théâtre satirique, pour frapper juste, réclame une part de risque, une faille, un vertige. Or,Pierre Emonot semble préférer la sécurité du trait bien posé à l’inconfort de la dissonance.
L'écriture, frôle parfois l’exercice de style. Le regard satirique, s’il est bien documenté, manque de vertige. Le spectacle donne à voir un monde que l’on reconnaît trop, peut-être. À force de tendre un miroir au spectateur, le propos s’épuise dans la connivence. Ce qui devrait heurter fait sourire , ce qui pourrait bousculer caresse dans le sens du poil.
Il amuse, indéniablement, mais n’ouvre pas de brèche. On sourit souvent, on admire la performance, on salue l’intelligence. Mais on reste à distance.
Cela n’empêche pas une grande partie du public de répondre présent, de rire à pleines dents, de savourer chaque trait d’esprit. Car l’humour, comme la politique, est affaire de dosage. Et de confort, parfois.
Mais après tout, le mieux est encore de s’y frotter soi-même. Soyez curieux, allez voir Pierre Emonot sur scène, et faites-vous votre propre idée.
Peut-être faut-il simplement se laisser porter, sans attendre la secousse. Car si le rire ne bouscule pas toujours, il peut encore surprendre.
Fanny Inesta
De et avec Pierre Emonot
Mise en scène: A. Delimoges
Presse: Denis Sublet
Le regard de Patricia George
« Est-ce que je vous ai dit que j’avais l’air de droite ? » La phrase revient comme un clin d’œil, un fil rouge qui traverse le spectacle de Pierre Emonot, entre provocation douce et ironie assumée.
Costume impeccable, sourire complice, diction ciselée — l’artiste entre en scène avec l’assurance des grands orateurs et l’humilité des clowns lucides. Il incarne à merveille cette figure d’intellectuel bourgeois à l’ironie bien trempée, oscillant entre autoflagellation légère et critique sociale acérée. Avec un sens aigu de la formule, il croque notre époque en finesse : la gauche caviar, la droite spectacle, les bobos, Hanouna, les complotistes, même la cuisson de la baguette et les chocolatines deviennent sujets d’éclat de rire.
On rit. Beaucoup. Et souvent de bon cœur. Mais ce qui fait la force de ce spectacle, c’est sa capacité à faire réfléchir en douceur.Pierre Emonot ne cherche pas à asséner, mais à éveiller. Là où d’autres forcent le trait, lui choisit la finesse. Il tend un miroir au spectateur, non pas pour le juger, mais pour lui offrir le plaisir de se reconnaître — et peut-être, en filigrane, de se questionner.
Car Pierre Emonot ne cherche pas à diviser mais à faire réfléchir en douceur, préférant l’élégance du trait à la violence du choc.
Un spectacle intelligent, subtil, où l’autodérision côtoie une satire ciselée. Et surtout un comédien qu’on croit peut-être de droite… mais qu’on est sûr d’aimer voir sur scène. Un spectacle « Enlevé, cynique et poétique « …
Mise en scène : Alexandre Delimoges Théâtre de l’ange tous les jours à 20h10
Patricia George









Je suis entièrement d accord avec cet article très bien justifié mais Pierre peut vraiment améliorer son spectacle . Peut-être en se servant de ces « reproches »