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  • Photo du rédacteurNadine Eid

Moi c’est Talia

Dernière mise à jour : 19 avr.

Théâtre des Halles Avignon

Le 16 Avril 2024 à 19h

Spectacle Jeune Public à partir de 8 ans

Dans le cadre du Festival Festo Pitcho organisé par le Totem

(scène conventionnée art, enfance, jeunesse, 20 Av. Monclar Avignon




Quel Challenge que celui de mettre en scène la voix intérieure d’un personnage !Défi parfaitement relevé par une judicieuse mise en scène qui donne une part belle  aux mécanismes de la pensée.

Talia est une adolescente qui découvre via une séance de méditation réalisée au collège que sa pensée est envahissante. Suivre les injonctions de l’intervenante  est une chose, parvenir par volonté à s’en abstraire en est une autre. C’est donc ainsi qu’elle découvre l’existence de cette voix intérieure Taliabis qui ne cesse de lui parler alors même que Talia veut faire le vide et ne penser à rien. Ce souhait  montre dès sa formulation ses limites. Aspirer à ne penser à rien c’est toujours penser !

Ainsi poser le dilemme est insoluble et Délia Espinat-Dief avec beaucoup de finesse s’amuse à nous entraîner dans cet insondable problème de la  pensée.

Taliabis quant à elle, trouve en Lia Khizioua Ibañez une tenace et redoutable voix. C’est elle qui peu à peu fera émerger des strates de la conscience de Talia, la mise en lumière de sa pensée.

Le décor est au service de cette émergence et progressivement évolue  vers la découverte de l’activité cérébrale. Les six grands rectangles qui constituent le décor vont être successivement détériorés par Taliabis et leur opacité initiale cède la place à la transparence d’un univers, d’un lieu qui est celui de la pensée. Il y a l’espace du visible avec le corps de Talia et celui de l’invisible avec les voix des personnages seulement audibles qui toutes servent à créer des liens avec  son vécu et ses ressentis. Les expériences soulignent la dichotomie entre ses désirs et les injonctions parentales et sociétales (la mère, la prof de SVT, la vieille dame en fauteuil…). Taliabis prend de plus en plus d’espace en Talia, elles échangent même par deux fois leur rôle, en vain. Quelque part dans un décor révélé comme mis à nu, Taliabis explore, expérimente et se met au service de Talia. Rompu le plexiglas, déchiré le papier, lacéré ou découpé le film élastique, le décor parle de lui et s’auto-transforme. Les matières collaborent au dispositif scénique mental l’opacité initiale livre la transparence du perçu et su dans la netteté. Dans une écriture qu’il faut saluer, Faustine Noguès parvient en un magnifique tour de force à mettre en scène la mémoire. Taliabis questionne alors plus librement et à vue Talia en réalisant des bruitages qui viennent nous chercher jusque dans le public comme celui des pas dans la neige. Avec son micro et divers objets ou ustensiles, les sons qu’elle crée cueillent nos souvenirs, nos associations libres, interrogent nos perceptions.

A notre insu nous nous surprenons à beaucoup penser… à notre pensée dans ce spectacle. Les enfants même les tous jeunes étaient très attentifs. Les adultes ont apprécié l’humour et la subtilité de l’écriture. Tous ont été sous le charme et la poésie de cette très intelligente approche d’un sujet difficile à mettre en scène. La création lumière de Zoé Dada a, très à propos, contribué à l’élaboration de l’espace  mental en faisant évoluer les teintes vers l’accession à la perception consciente. L’éclairage du décor final nous invite à adhérer à la pleine conscience.                             

Les deux comédiennes ont parfaitement incarné leur rôle avec une subtilité à saluer, sans jamais être tentées de céder à la facilité en stigmatisant pour donner à comprendre notamment au jeune public les possibles clivages entre la pensée linéaire analytique d’un cerveau droit et celle plurielle ou en arborescence d’un cerveau gauche. L’interprétation finale à la flûte traversière dépouillée des discordances de la précédente interprétation réconcilie Talia avec son mental envahissant. Sa surefficience n’est plus vécue comme un fardeau, un handicap mais comme une richesse qui lui permet de savourer l’exécution de Taliabis. Au delà de la prouesse qui consiste à mettre en scène une voix intérieure, il y a un réel et consistant travail de recherches sur les émotions et les ressentis, les interrogations et les perceptions cognitives des adolescents.

Moi c’est Talia n’a pourtant pas versé dans la pédagogie mais, avec joie, vivacité d’esprit et richesse de l’écriture propose une heure de pur théâtre. Chapeau bas !


Nadine Eid


Texte et mise en scène Faustine Noguès

Avec Délia Espinat-Dief et Lia Khizioua Ibañez Création sonore et musicale Colombine Jacquemont, scénographie, collaboration artistique Alice Girardet, création lumière Zoé Dada.

Avec la participation d’Ariane Ascaride, Sarah Brannens, Elizabeth Dada et David Lescot

Texte publié aux Éditions l’œil du Prince

Compagnie Madie Bergson / Une production Théâtre Paris-Villette


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A Propos

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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