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  • Photo du rédacteurJoshua Laffont-Cohen

« Mademoiselle Chanel » 

 Studio Hébertot à Paris,

puis à la Condition des Soies durant le Festival d’Avignon 2024




Oh Gabrielle, quelle femme ! Celle qui habilla la gente féminine du 20eme siècle, celle qui fut l’intime de Pierre Reverdy, Cocteau, celle qui créa la fameuse robe noire ou le célèbre tailleur, qui inventa ses parfums, qui mit en avant le col claudine, est à l’honneur dans une magnifique comédie musicale.


Mais qui sait qu’elle eut une enfance douloureuse, qu’elle perdit sa mère à 12 ans et qu’elle fut placée à l’orphelinat ? La mise en scène montre bien cette part obscure, cette face cachée d’une femme qui s’est enfermée dans le silence. Les deux Gabrielle, l’une en pleine ascension, et l’autre plus âgée ayant déjà achevé son empire, se répondent sur l’espace temps comme deux miroirs, évoluent comme une femme à deux faces. Deux Chanel coexistent.


Ce spectacle reprend dans une narration efficace les éléments biographiques importants de Gabrielle Chanel. Dans ce théâtre de la mode s’ajoutent des airs teintés de mélancolie et des mélodies entraînantes signes de l’énergie d’une femme vers la gloire. La mort de sa mère et l’abandon du père ont construit sans aucun doute Coco Chanel. A quelque chose malheur est bon ? A l’orphelinat, elle va apprendre la couture et se forger une véritable carapace de femme de fer. A 18 ans, elle refuse de se marier et part chez sa tante à Moulins pour se perfectionner dans la couture. Femme libre, elle veut réussir. Elle fréquente le Grand Café de Moulins, s’essaye au Music hall, multiplie les rencontres et devient très vite une femme influente. L’officier mondain Étienne Balsan l’introduit dans l’univers hippique et lui fait vivre la vie de château. Grâce à lui, elle va rencontrer Arthur Capel qui l’emmène à Paris. Tout va très vite. C’est le tourbillon de la vie ! Boulevard Malesherbes elle confectionne des chapeaux. Au 21 rue Cambon à Paris, elle ouvre son salon de modiste. Deauville et Biarritz suivront ! Elle devient la couturière qui emploie le plus d’ouvrières. Un autre drame ponctue sa vie : la mort de Capel, devenu entre temps son mari. Elle se plonge alors dans le travail pour ne pas sombrer. Elle s’installe dans un hôtel rue du Faubourg Saint Honoré où elle reçoit de nombreux artistes dont Picasso et Stravinsky. Sa maison rue Cambron s’agrandit. Son succès se poursuit. Elle s’associe à la famille Wertheimer pour la commercialisation de ses parfums. Elle privilégie dans ses créations la sobriété, l’élégance et le mouvement. Elle devient une personnalité du Tout-Paris. Très proche de Cocteau, elle créera les costumes de scène de quelques-unes de ses pièces : Orphée (1926), Œdipe roi (1937) et Antigone (1943). Elle réalise des costumes pour le cinéma français, notamment pour Jean Renoir, mais également pour le cinéma américain. Toute cette effervescence artistique, elle le doit surtout à son amie Misia qui grâce à son salon a introduit Coco très tôt dans un cénacle culturel et privilégié. En 1939, son entreprise compte plus de 4000 employés.


La période obscure peu flatteuse pour madame Chanel est très peu montrée ici. Son antisémitisme notoire est suggéré. Sa collaboration et ses fréquentations suspectes durant la seconde guerre mondiale sont évoquées assez rapidement. On retient surtout l’image d’une femme forte, qui est partie de rien et qui a construit tout un empire, d’une femme qui fermera sa maison durant la guerre, séjournera un temps en Suisse, peut-être pour se faire oubliée, et la rouvrira dans les années 50 comme un second souffle possible. Et ça fonctionne. Face à la concurrence et au talent d’un Dior, elle propose le fameux tailleur en tweed. Elle habille alors les grandes stars des années 50-60 : Jeanne Moreau, Romy Schneider. Marylin porte même son parfum : le numéro 5. A la fin des années 60, elle devient aigrie, ne comprenant plus le monde et la jeunesse. Face à la mode hippie, elle s’enferme dans un conservatisme qui refuse que la mode vienne de la rue. Pour elle, la mode doit descendre dans la rue. Elle terminera sa vie au Ritz, seule et sans avoir refermé les cicatrices d’une enfance abîmée.


Cette comédie musicale retrace donc le destin d’une femme d’exception car talentueuse. Du talent, les artistes sur scène en ont aussi. Ils arrivent à fusionner toutes les contradictions du génie de Chanel de manière remarquable avec une pointe d’humour non négligeable. Le pianiste les accompagne con brio. Nous partageons avec eux les fragments de vie d’une femme qui a marqué l’histoire de la mode en France et à l’international.



Joshua Laffont-Cohen


De Sophie JolisMis en scène par Hélène Darche et Marie SimonAvec Sophie Garmilla, Sophie Jolis, Julia Salaün, Antoine de Giuli, Guillaume Nocture et Jonathan Goyvaertz (piano)Création lumières : Luc KhiariCostumes : Marion de MataucoProduction : Compagnie Croc-en-Jambe





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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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