Les Rossignols du carnage
- Peter Barnouw
- 26 mai
- 3 min de lecture
Théâtre de l’Épiscène Avignon
du 5 au 26 juillet 2025– 14 :28 – relâche le lundi
Crédit photos : Louise-Marie Hubert.
Je crois que cela fait plus de 6 décennies que je vois, régulièrement, du théâtre belge. Du théâtre jeune public, des productions de théâtre d’objet, des productions d’opéra, etc.J’ai assisté, en Belgique même, que ce soit dans la partie néerlandophone, francophone, alémanique ou encore bruxelloise, à de nombreux spectacles et festivals. Je m’aperçois que chaque fois il y a quelque chose dans l’expression théâtrale belge qui m’étonne.Un petit coup de folie. Que ce soit dans le texte, les décors ou encore la façon de jouer, à chaque instant on sait que c’est quelque chose d’extraordinaire à quoi l’on va assister.Et comment voulez-vous qu’un pays ou une région qui a inventé un Manneken Pis, des Gilles, un Raymond Devos, un Delvaux ou encore Magritte, sans mentionner Gaston Lagaffe et autres figures de l’univers étrange de la BD belge...Je n’ai pas mentionné Jérôme Bosch, quand bien même les Néerlandais le revendiquent comme un des leurs, mais j’ai l’impression que l’univers pictural si étrange de ce peintre du sud des Pays-Bas a dû, à mon sens, influencer grandement l’univers créatif des artistes belges, et même Brel, Arno ou encore Stromae véhiculent cette étrangeté si attachante de nos voisins au nord de la France.D’ailleurs, le nom de la compagnie, Les Chevals de Trois, n’est-ce pas un autre exemple de la douce folie belge si bien maîtrisée ? Et de commencer les représentations, pendant le Festival, à 14h28 ?
L’année dernière, j’ai pu voir et admirer le spectacle Des Chèvres en Corrèze, et j’avoue, c’est avec une certaine impatience que je me suis rendu au Théâtre l’Épiscène afin d’assister à la nouvelle création, Les Rossignols du Carnage.Et comme dans le précédent spectacle, une scène encombrée de matériaux divers, comme si les occupants du lieu étaient victimes d’une syllogomanie .Un homme seul sur scène... Un homme qui donne l’impression d’être perdu, angoissé, se trouvant dans une sorte de no man's land apocalyptique. Seul au monde. Seul ? Non !Un deuxième homme apparaît. Il demande à être là et nous pouvons nous demander qui est ce personnage venant de l’on ne sait où. Est-il le double du premier ? Son Doppelgänger ? Un esprit qui dérange ? Qui confronte ? Une sorte d’invention du double que s’imaginent les solitaires pour pouvoir parler. Pour pouvoir dialoguer avec un inconnu? Le public ne le saurait pas vraiment, mais chaque spectateur peut imaginer ce qu’il veut.
Nous sommes confrontés à un texte écrit d’une façon extrêmement fine et soignée. Un long dialogue entre les deux protagonistes, et un très beau monologue à la fin qui fait comprendre au public de quoi il s’agit .Un plaidoyer pour la beauté de la création. Un plaidoyer pour lutter contre le catastrophisme ambiant et ce qui pourrait nous pendre au nez.
Bien que nous assistions à une avant-première et que, évidemment, il y ait encore du travail de finition à effectuer avant le début du Festival, Matthieu Laviolette et Dimitri Lepage nous ont littéralement bluffés, à la fois comme comédiens mais également en tant que co-auteurs.Un très beau spectacle à voir sans hésitation.
Pour tout public à partir de 14 ans.
Peter Barnouw
Écriture : Mathieu Laviolette et Dimitri Lepage
Mise en scène : Jérôme Jacob-Paquay
Avec : Dimitri Lepage et Mathieu Laviolette
Musique : Agathe Lavarel
Chorégraphies : Virginie Benoist
Production ; Les Chevals de Trois, en coproduction avec le Théâtre de l’Épiscène (Avignon) ; avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Loterie nationale, des centres culturels de Theux, Verviers, Dison, Hastière, Aubel, Visé (Les Tréteaux), du Théâtre Le Moderne, du Théâtre la Courte Échelle et du Festival Théâtre au Vert.
Sublime, exceptionnel, tout est dit et écrit avec cette même passion en assistant à cette oeuvre.