Le premier homme
- Fanny Inesta

- 11 juil.
- 2 min de lecture
FESTIVAL OFF AVIGNON 2025
Théâtre du Roi René
Rue Grivolas
du 5 au 26 Juillet à 11h25 (relâche 9,16,23
Une comédie au scalpel, entre rires acides et miroir social
Avec" Le Premier Homme", Hugues Leforestier revient à une veine intime et lucide qui lui va décidément très bien. Après avoir exploré les méandres de l’économie (Brigade Financière), les arcanes du pouvoir autoritaire (Le Projet Poutine) ou encore les ferments révolutionnaires (Danton Robespierre), il s’attaque ici au champ de bataille le plus universel : le couple. Et comme toujours, avec une plume précise, ironique et affûtée.
Présentée au Théâtre du Roi René, la pièce réunit Nathalie Mann et Hugues Leforestier dans une comédie réjouissante et mordante, pleine de subtilité sur la bascule des rôles au sein du couple, lorsque Madame devient ministre et que Monsieur, du jour au lendemain, doit composer avec une invisibilité nouvelle.
L’écriture, jubilatoire, brille par sa finesse et son intelligence. Le texte capte ce moment de flottement où chacun doit réapprendre à exister autrement. Sur scène, un salon épuré, quelques objets d’un quotidien bien ordonné : le décor est posé. Le couple semble harmonieux. Elle est cheffe d’entreprise, mère de famille efficace, garante discrète d’un équilibre domestique bien huilé. Lui est philosophe, observateur brillant d’un quotidien qu’il n’a pas à gérer. Et puis, tout bascule. Elle devient ministre. Lui… devient ce que la société n’a pas encore vraiment nommé : le " Premier Homme ", pendant masculin de la Première Dame. Un rôle flou, orphelin de modèle.
Hugues Leforestier excelle dans l’art du dialogue en miroir : les mots claquent, les silences pèsent, les tirades fissurent les certitudes, révélant des blessures anciennes enfouies sous la routine conjugale. L’écriture ne prend jamais parti, mais éclaire les contradictions de chacun, les privilèges implicites, les ego froissés, les rôles acceptés sans toujours être choisis.
Sur scène, le duo fonctionne à merveille. Hugues Leforestier campe avec autodérision ce penseur relégué à l’arrière-plan, tandis que Nathalie Mann, toujours aussi charismatique, incarne une femme de pouvoir sans gommer ses failles. Elle est brillante dans ce rôle d’épouse qui s’émancipe presque malgré elle, découvrant que le pouvoir n’est pas qu’une fonction, mais un révélateur intime. Comment, dès lors, s’en passer ?
On rit, souvent. Mais d’un rire qui gratte. Car Le Premier Homme ne se contente pas de brosser les paradoxes du couple moderne. Il dit aussi, en creux, beaucoup de notre société : des injonctions de genre, de la charge mentale, de la représentation politique, du besoin de reconnaissance.
Et puis, il y a cette dernière scène ,qu’on ne dévoilera pas ,où l’on voit enfin Madame lever le pied. Disons simplement qu’un petit geste de détente, enveloppé d’un nuage parfaitement légal, déclenche le rire final… avec panache.
Subtile et affûtée, cette comédie évite l’écueil du manifeste pour mieux ouvrir la voie à la réflexion. Hugues Leforestier signe une pièce actuelle, nécessaire. Les rires fusent, mais le propos, lui, ne s’allège jamais.
Du beau théâtre. Pensez à réserver.
À noter : dès septembre, la Cie Fracasse reprendra à Paris son précédent succès, Danton et Robespierre , un spectacle à voir ou à revoir absolument.
Fanny Inesta
Compagnie Fracasse
De Hugues Leforestier
Mise en scène : création collective
Collaboration artistique: Jacques Décombe
Création Lumière: Maurice Fouilhé













Commentaires