La Moisson
Dernière mise à jour : 6 nov.
de Joshua Martin
du mercredi au vendredi de 14h à 18h, samedi de 14h à 17h
Vernissage samedi 2 novembre à 19h
Le Figuier Pourpre
6 rue Figuière Avignon
Exposition du 2 au 30 novembre 2024
Chaque cri doit être suivi par un silence pour faire entendre
son écho. Celui qui ne fait que hurler sa douleur n’en verra
jamais le visage tout autant que celui qui s’obstine à la taire.
Wajdi Mouawad, Anima
En février, du 2 au 14, la Chapelle Saint-Michel accueillait la première exposition de Joshua Martin, Génèse (cf article). Le Figuier Pourpre propose, depuis le 2 novembre et durant un mois sa deuxième exposition personnelle La Moisson.
Entre les deux, le temps d’une gestation.
Le trèfle à quatre feuilles au dos du flyer laisse entrevoir le scotch qui a permis de le maintenir jusqu’au séchage, garant ensuite de la tenue des feuilles. La fragilité et la précarité du porte-bonheur arrimé sur la feuille comme la voile à la mâture les jours de grand vent, illustre avec délicatesse l’univers de Joshua Martin. La frilosité du personnage de l’affiche, sa posture ramassée est déplacée par le regard exorbité sur l’espoir du petit trèfle.
Fruits, fleurs et mauvaises herbes comme autant de trèfles porte-bonheur, poussent dans son « jardin secret » dit-il. Libre à nous d’y entrer comme il nous y convie et de participer. Mais… attention, fragile, âme mise à nue; faites de vos regards des ailes de papillon et laissez les frissons murmurer sans paroles, évoquer les blessures, dessiner les fêlures. Au-dessous du scotch, les quatre feuilles, attestent et portent l’espoir. Les yeux exorbités écoutent le message du trèfle. Le corps nu, à peine recouvert de quelques poils, pas même protégé par quelques rares cheveux abandonnés sur une tête aussi ronde qu’il lui faut se caler sur des genoux repliés, n’est qu’angles. Le visage poupin tout dans la rondeur, la circularité, accuse la maigreur et la prostration du corps transi et souffrant de peur.
Le regard de l’enfant-homme questionne ébahi la force de cette herbe minuscule. Les quatre folioles porteuses symboliques des quatre credo : espérance, foi, charité et chance, captivent l’attention des orbites, placent ce regard au coeur de l’interrogation initiale. L’univers de Joshua Martin provient d’elle et s’inscrit dans des créations qui sont autant de questionnements que des tentatives de réponses pour acter la souffrance octroyée en place d’amour, l’acter et la nommer par des mots écrits ou des mots absents, tus, non prononcés dans ces bouches béantes vides des non-dits mais hurlantes des abus en tous genres. L’accrochage de l’enfant caché sous l’escalier piétiné par une femme à moitié pliée, ployée elle même sous le poids de…, en proie à …, placé au dessous du pervers pédophile nu et carnassier - comme celui de la tête d’yeux au message d’évidence « regarde moi » et « je te vois », accroché au-dessus de celui de la tête d’homme aux dents broyeuses et aux yeux presque paniqué par une simple fourmi - explicitent sans nul doute possible les abus et les identifient. C’est là le premier pas vers la rédemption pour ceux qui en sont victimes. A droite, en fond, une fenêtre éclairée de rouge laisse se profiler une silhouette. Quelle qu’elle soit, elle est témoin. Nous aussi le sommes et les violences faites aux enfants nous rendent tous responsables de ne pas suffisamment les combattre pour les rendre impossibles.
Le canapé vide désert et mutique face à l’enfant juché sur un poste de télévision éteint, placé au dessus de cette scène familiale où, corde au cou un père arrose l’arbre où il se pendra aux côtés d’une mère à genoux qui en plante un avec l’aide de son fils pour l’exemple - dans un environnement d’arbres gibets aux innombrables pendus tout comme le premier plan avec le panneau aux quatre noeuds coulants pour l’apprentissage faisant écho aux quatre folioles du trèfle - exposent tous deux une enfance malmenée, sacrifiée, ravagée.
Sous les pansements les cicatrices, sous le scotch, le trèfle porteur de chance et au delà de toutes souffrances, la rédemption laisse transparaître le bleu d’un ciel obscurci.
Si vous avez manqué son exposition de février, vous ne pouvez manquer la présente. Si, par contre et par chance, vous l’aviez découverte alors votre présence confirmera l’invitation à pénétrer dans son univers, à « venir voir les fruits, les fleurs et les mauvaises herbes ».
Nadine Eid
Un artiste talentueux. J’attends avec impatience sa prochaine BD