Johnny, libre dans ma tête
- Fanny Inesta

- 7 juil.
- 3 min de lecture
Festival off Avignon 2025
Théâtre Le Petit Louvre
Chapelle des templiers
du 7 au 26 Juillet à 21h05

C’est l’histoire d’un mec… qui en ressuscite un autre. Et vice versa.
Parfois, les morts parlent encore. Cette pièce musicale signée Éric Bouvron et Didier Gustin avec l’interprétation de Didier Gustin, s’aventure dans les limbes du showbiz et de la mémoire collective pour faire revivre ,ou du moins convoquer , le spectre de Johnny Hallyday. Mais il ne s’agit pas d’un simple hommage, encore moins d’un biopic . C’est un dialogue posthume, étrange et touchant, entre un artiste sur le déclin, voire has been comme il le dit, et son idole disparue.
Didier Gustin,excellent (le meilleur d'après Eric Bouvron) humoriste-imitateur passé par les plateaux de télé des années 90, imagine ici un dernier tour de piste en tentant de convaincre "Johnny" de remonter sur scène… depuis l’au-delà. Dans ce pitch presque absurde, entre rêve éveillé et rendez-vous médiumnique, se déploie une fantaisie mélancolique où se croisent les éclats de rire, les ombres du passé et les refrains des chanteurs connus de tous.
Ce genre de récit, où le réel flirte avec la fable, c’est le terrain de jeu favori d’Éric Bouvron. Né en Afrique du Sud, formé au théâtre de mouvement et à l’improvisation, il aime brouiller les frontières : entre les genres, les cultures, les vivants et les morts. Son théâtre, nomade et inventif, fait la part belle à la musique, aux corps, aux silences. Il a promené ses spectacles d’Afghanistan en Louisiane (Les Cavaliers, Lawrence d’Arabie, Kazak), toujours à la lisière du conte et de l’épopée.
Avec Johnny, le spectacle, Eric Bouvron ne change pas de cap, mais de registre. Ici, l’aventure n’est pas dans le désert, elle est dans l’intime. Il « dirige « Didier Gustin avec précision, évitant l’écueil du simple numéro d’imitation pour en faire un vrai personnage, cabossé, touchant, digne. La mise en scène, laisse respirer le texte, et surtout les voix, celles de Didier Gustin, bien sûr, mais aussi celle de Johnny, omniprésente, comme une bande-son intérieure. Loin des paillettes du rock, “Johnny, libre dans ma tête” évoque surtout la difficulté d’un artiste à dire adieu, à son époque comme à lui-même. C’est le portrait en creux d’un monde qui s’efface, celui des imitateurs, des vedettes de variété, des voix éraillées qui faisaient vibrer les foules.
Guitares nerveuses, clavier , rythmique impeccablement tenue : tout est là pour raviver, sans pastiche, l’énergie brute du rock à la française.
Ces musiciens deviennent les compagnons de route du récit. Ils accompagnent les virages, amplifient les silences, électrisent les élans. Par leur présence, ils nous rappellent que si Johnny “n’est plus de ce monde”, sa musique, elle, pulse encore et ce, entre les mains de ceux qui savent l’écouter.
Didier Gustin ne cherche pas à tromper l’œil. Il ne se grime pas. Il ne pastiche pas. Il évoque, il convoque. Et c’est dans cet écart, dans cette fidélité teintée de distance , que l’émotion surgit. Le public, qu’il soit fan de la première heure ou simplement curieux de retrouver Johnny dans un autre costume, y retrouve un peu de lui-même.Et puis, il y a le final. À la hauteur de son titre, “Allumer le feu” y est livré avec une puissance scénique presque incantatoire. Comme un exutoire, une libération, une étincelle qu’on attendait sans y croire. Ce moment flamboyant, porté magistralement par Didier Gustin et ses musiciens, transcende le pastiche pour embraser la salle. L’émotion est là, brute, partagée, vivante.
Éric Bouvron signe ainsi une mise en scène précise et élégante, au service d’un spectacle hybride, entre théâtre, concert et confidence. Une ode à la mémoire, certes, mais surtout à la scène, là où ce qui vibre ne meurt jamais. Et de ce besoin, si humain, de se rappeler à la vie les absents.
Et si l’on sourit parfois à ces imitations-caméléons, c’est pour mieux être saisi par une émotion inattendue : celle d’un homme qui, derrière les masques, cherche encore sa propre voix.
Une standing ovation pour cette 2ème représentation.Le public a beaucoup rit, a été ému aussi, tous les ingrédients d'un excellent spectacle! Pensez-à réserver!
Fanny Inesta
D'Eric Bouvron et Didier Gustin
Avec: Didier Gustin et ses musiciens: Hugo Dessauge en alternance avec Alain Antonelli, Jérémy Lainé, Elie Gaulin en alternance avec Jérémie Tepper
Metteur en scène: Eric Bouvron









il passe à Orange bientôt, j'irai!!!
Magnifique critique qui reflète totalement le propos du spectacle.