Gauguin-Van Gogh
- Fanny Inesta

- 22 juil.
- 2 min de lecture
FESTIVAL AVIGNON OFF 2025
Théâtre des Gémeaux
10 Rue du vieux Sextier
du 5 au 26 Juillet (relâche les 9,16,23)
On connaît l’issue tragique : une oreille tranchée, un homme au bord de la folie, une rupture sans retour. Mais que s’est-il vraiment passé dans cette "Maison Jaune" où Vincent Van Gogh rêvait d’un havre pour peintres libres ? Gauguin–Van Gogh, écrit par Cliff Paillé et David Haziot et mis en scène par Noémie Alzieu et Cliff Paillé revient sur ces quelques semaines brûlantes à Arles, où deux génies que tout oppose ont tenté, en vain, de cohabiter.
Il y avait pourtant de l’espoir. Van Gogh, exalté, fragile, persuadé que la beauté pouvait naître de la fraternité artistique, accueille Gauguin comme un sauveur, un frère, un maître. Mais l’alchimie tourne court. Très vite, l’intensité états d'âme du premier heurte la distance hautaine et le pragmatisme du second. L’un vit pour créer, l’autre crée pour vivre. Van Gogh brûle, Gauguin calcule. L’un mendie l’attention, l’autre impose le vouvoiement. Le déséquilibre est total.
C’est cette tension que capturent avec force les deux comédiens. William Mesguich livre un Van Gogh fiévreux, traversé de fulgurances, d’élans désespérés, dans un flux verbal torrentiel, Alexandre Cattiez campe un Gauguin ancré, charnel, rugueux, avec cette autorité froide et presque cynique d’un homme qui n’attend rien des autres. Ensemble, ils rejouent cette impossible rencontre, dans une partition dramatique haletante.
La lumière vient sublimer le propos. Les toiles de Van Gogh, projetées en transparence, se fondent aux visages, aux costumes, aux murs. Comme si le regard du peintre colorait toute chose, même l’hostilité. C’est beau, sensible, intelligent. Ce travail de lumière de Yannick Prévost prolonge cette magie visuelle, dans une esthétique qui épouse les tourments et les éclats de ces âmes en feu.
Inspiré des correspondances entre les deux artistes et nourri par l’expertise de David Haziot, biographe de référence, on plonge dans l’humain, . On y sent la solitude, le besoin d’amour, la peur du vide. On comprend mieux pourquoi cette tentative d’amitié, malgré une admiration mutuelle sincère, ne pouvait que s’effondrer.
Il y a dans ce Gauguin–Van Gogh la beauté tragique des grands naufrages : un huis clos incandescent, tendu comme une toile vierge, que les deux hommes remplissent de cris, de silences, de couleurs et de blessures.
Et lorsque le rideau tombe, après une standing ovation méritée, il faudra quelques secondes à William Mesguich pour revenir au monde. Son visage, encore tendu, habité, reste empreint de la fièvre de Van Gogh. Comme si, à force d’habiter la douleur d’un homme, on finissait par la confondre avec soi-même.
Un spectacle d'une grande tenue, portée par deux comédiens au sommet, qui donne chair aux déchirures de l’art et de l’amitié.
Fanny Inesta
De David Haziot et Cliff Paille
Mise en scène de Cliff Paillé et Noémie Alzieu
Avec: William Mesguich et Alexandre Cattez
Création lumière : Yannick Prévost














Merci beaucoup Fanny. Vos mots me ravissent et me touchent
Cliff Paillé