Mal Elevée
Théâtre des lila’s
8 rue Londe Avignon
du 2 au 21 juillet 19h10 relâche le 8 et 15 juillet
« Pardon ma fille, je t’ai mal élevée. Je t’ai appris à être polie. » - Maman
Nombreuses sont nos mères qui auraient pu nous écrire cela en matière de constat teinté de regrets inutiles mais qui ont le mérite, néanmoins, de pointer l’erreur éducative monumentale. En effet, l’injonction faite à l’enfant concernant la politesse due à l’adulte, doit être assortie d’explications nombreuses et fournies. Dans ce rapport inégal de soumission à l’autorité parentale et aux adultes, l’enfant n’a pas les armes nécessaires pour distinguer nettement ce qui fait la différence entre la demande, l’injonction et l’abus déguisé sous la forme injonctive d’une demande perverse. Plus l’enfant est jeune et plus cet abus est pour l’agresseur aisé à commettre et ce d’autant que l’abuseur est souvent dans la proximité familiale.
Etre polie, pour un enfant c’est obéir aux demandes de l’adulte, ne pas dire non lorsque le Monsieur ou la Dame demande ou ordonne comme l’enfant fait avec ses parents. C’est donc fatalement, démunir l’enfant de toute possibilité de s’opposer ou de rétorquer par le refus simple d’un non affirmé. Aisé de dire Non à maman ou papa pour retarder l’heure du coucher ou la demande de cesser un jeu pour faire ses devoirs, impossible pourtant à formuler ce simple mot lorsque la demande est étrange, assortie de gestes non reconnus qui vont procurer un phénomène de sidération simultanément à la souffrance. La période du Non, entre 18 et 24 mois, lui a conféré ce pouvoir magique de s’opposer enfin et d’acquérir le sésame de l’ébauche de l’autonomie mais dans des situations identifiables et reçues comme tolérables instinctivement par l’enfant. Les injonctions perverses et paradoxales, sont de facto pressenties comme dangereuses et paralysantes. L’enfant se sent en danger sans capacités d’opposition à plus fort que lui. Sa seule parade c’est de se taire et subir en silence pour ne pas attirer la colère de l’agresseur.
Astrid Tenon et Laetitia Wolf interprètent de façon magistrale un texte puissant d’une écriture toute en nuances et en intensité modulée. Il y a dans l’interpréta- tion, une rigueur d’expressivité tout à fait exceptionnelle. Certes, leurs talents sont palpables et l’écriture de Laetitia wolf permet aux comédiennes d’en exploiter la diversité. Le chant, la danse, les acrobaties, le contorsionnisme mêlés au jeu théâtral créent un univers d’une infinie poésie et d’une redoutable efficacité évocatrice. Entre les deux comédiennes, le lien de vouloir exprimer se déploie comme une nécessité imparable. Le message qu’elles livrent reçoit comme un accueil rare d’adhésion immédiate du public. Leur pouvoir d’expression relève du charme, de la magie et nous y succombons. La création lumière d’Antoine Longere et la création sonore de Nicolas Collignon et Laurent Oversteyns dessinent un univers-bulle parfaitement adapté à l’interprétation des deux comédiennes.
Par moment c’est beau, à couper le souffle, tout en délicatesse et sur le fil d’un funambule convaincu de l’aisance octroyée par la hauteur. La gravité du sujet traité semble obéir à la gageure de le mettre en scène avec le souffle d’un papillon, le vol
d’une libellule. La langue des signes nous fait oublier jusqu’aux mots/ maux.
Coup de coeur et coup au coeur qui bat.
A ne pas louper.
Nadine Eid
création et mise en scène Astrid Tenon et Laetitia Wolf
dramaturgie Laetitia Wolf
création lumière Antoine Longere
création sonore Nicolas Collignon et Laurent Oversteyns
collectif En finir avec
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