James Desauvage
Le petit chaperon rouge
FESTIVAL AVIGNON OFF 2021
Théâtre du chêne noir
Il était une fois le fils d’un directeur de théâtre, Julien Gélas, parti dans le Pays de l’Empire du Milieu pour apprendre la philosophie et la langue chinoise. Là-bas, il devint chercheur, professeur de philosophie et traducteur de Gao Xingjian puis il revint en France avec sa femme née dans ce lointain pays. Il y a peu de temps, il devint collaborateur de direction du théâtre de son père. Puis après plusieurs mises en scènes et divers livres, il a composé des musiques qu’il a présenté en concert. Beau parcours. Aujourd’hui il nous offre une version revisitée du Petit Chaperon Rouge. Beau challenge. D’entrée, en voit la teinte asiatique au travers de la comédienne qui incarne avec fougue et délicatesse ce petit chaperon rouge, mêlant des entrechats à ses pas, s’adressant aux spectateurs avec malice. Liwen Liang est une comédienne diplômée de la Shanghai Théâtre Academy, un de ces lieux où l’art de la scène est total, le mime , la danse, tout doit concourir à la formation de l’artiste et à son épanouissement. Tout ceci est bien présent dans son jeu. A ces côtés deux comédiens jouent avec bonheur la grand mère, la mère, le chasseur et le loup. Si le petit chaperon rouge est un jeune fille courageuse, épanouie et rusée, sa maman pourrait être un gilet jaune, avec de faibles ressources et opprimée par un patronat sans scrupule. Elle fait ce qu’elle peut mais il y a des limites. La grand mère est plus tonique, figure de la révolution de 68, porteuse de revendications sur la condition de la femme elle a malgré son âge avancé encore une verve et un mordant remarquable. Entre ces deux femmes le petit chaperon a grandi et essaie de vivre guidée par son goût pour la danse. Le loup …musicien talentueux au violoncelle, pousse ses notes mélodieuses dans la forêt obscure …tant et si bien qu’on en vient à l’aimer, à le prendre en affection…mais voilà la nature reprend ses droits et le loup reste en fin de compte un vrai loup qui va faire son repas de la grand mère. Rassurez vous le petit chaperon échappera à son sort et ne finira pas en dessert de quadrupède à poil long. La fin est fort belle et je ne vous la conterai pas…il faut aux choses laisser leur mystère. L’amusant est que les enfants, nombreux dans la salle archi comble du théâtre de Chêne Noir, vivaient la pièce avec beaucoup d’attention et de réactions, cela fusait de toutes part, le théâtre était total, le jeu en ricochet était très vivant. Le décor fort intelligent de panneaux tournants et de diapos géantes découpait des espaces dans lesquels la magie du récit opérait. Si les acteurs étaient tous remarquables de justesse dans un registre qui n’est pas facile car on peut tomber dans un contre jeu trop réducteur, Liwen Liang est magnifique et tire la pièce vers le haut. Il faut reconnaître que Julien Gélas avait bien structuré son récit et donné des détails accrocheurs, il a su moderniser le récit sans tomber dans des excès. Son petit chaperon rouge c’est l’innocence, la pureté, l’amour de la famille mais elle doit affronter le monde sans pitié qui l’entoure où règne la manipulation et la ruse, un monde qui aliène et qui opprime. Elle va s’en sortir car son cœur est pur et sa bienveillance ne sont pas un obstacle à son intelligence ni a sa vivacité d’esprit.
Un fort belle création que grand et petits ont pris grand plaisir à voir.
Jean Michel Gautier
écrit et mis en scène par Julien gelas, avec: Liwen Liang,
Guillaume Lanson
et Renaud Gillier
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