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  • Photo du rédacteurFabrice Glockner

La pleurante des rues de Prague

Dernière mise à jour : 30 avr. 2023

21 avril 2023 avant première festival

Théatre des Vents Avignon

Claire Ruppli fait son entrée par l’arrière de la salle, dans l’obscurité, comme si elle se glissait dans les pages d’un livre, telle une vagabonde pénétrant dans un jardin. Elle se faufile à la manière du vent, elle fait bruisser imperceptiblement les pages blanches en attente de mots pour nous les offrir généreusement.

La narratrice-actrice monte sur une scène sans décor, vêtue d’un imper marron. Elle va nous narrer une histoire étrange : les différentes apparitions de la Pleurante, la Géante au pas claudiquant, dans les rues de Prague.


La Pleurante est à la fois apparition mystérieuse, douleur, angoisse.


Une apparition mystérieuse ?

Elle a l’allure de quelqu’un qui s’en va son chemin, qui marche sans jamais se retourner pour ne plus revenir. Elle disparaît happée par le vent. Elle réapparaîtra ailleurs, dans un autre quartier de la ville, provoquant à chaque fois chez le narrateur et le spectateur un sourd remuement du cœur.

Elle n’a ni nom, ni corps, ni voix. Elle est intouchable et intemporelle. Elle marche dans les rues de la ville à travers l’épaisseur du temps. Son corps flotte dans l’air du soir, emporté par la brise.

Qui est-elle ? Où va-t-elle ? Quel est le sens de ses pérégrinations ? Nous livrera-t-elle son secret ?


Une douleur infinie?

Qui donc pleure-t-elle ? C’est la ville entière et même la terre entière qui pleure en elle. Elle porte le poids, le fardeau de l’humanité souffrante. La Géante, être démuni et immatériel, est faite de pleurs. Elle est l’écho mélancolique des voix qui se sont tues et sait ranimer la voix des défunts.

Corps de larmes et de mémoire, un suaire enveloppe son corps de douleur. Elle touche le spectateur au plus profond quand elle évoque ces larmes qui continuent à couleur imperceptiblement et mystérieusement, alors même que l’objet du malheur ou de la souffrance a disparu.


Une angoisse profonde ?

Il est impossible de regarder la Pleurante de face ou de lui parler, car il n’est pas possible de contempler la nudité humaine sans mourir à soi-même.

On ressent au fil du récit la pesanteur du temps, la pesanteur de la mémoire, et l’odeur, la consistance troublante de la brume et de la ville entière qui en deviennent presque obsédantes et inquiétantes.


Quelle est donc l’issue de cette errance ? De ces diverses apparitions fantomatiques ?


Dans un jeu tout en sobriété, Claire Ruppli sait donner sa pleine amplitude au très beau texte, parfaitement ciselé de Sylvie Germain. Elle en dégage le souffle poétique, simple, juste, profond, et ce sans nul pathos, pour nous tenir en haleine jusqu’à l’issue de la pièce.

Elle sait paradoxalement rendre présente l’évanescence, l’absence de cette mystérieuse Pleurante, dans et derrière les mots, grâce au pouvoir des mots qu’elle porte avec une grande délicatesse, doublée d’une belle subtilité.

Bref, une prestation magistrale qui nous donne à voir et sentir, ressentir la Pleurante, si incorporelle, si irréelle et cependant visuelle, poignante.



Fabrice GLOCKNER



Spectacle vu en avant-première le 21 avril 2023

Reprise au festival Off d’Avignon 2023

Du 7 au 29 juillet à 11h20 (relâches les dimanches)

Au Théâtre des Vents ( 63, rue Guillaume Puy).


Adaptation et jeu : Claire Ruppli

Voix : Jana Bittnerova

Création lumière : Gaëtan Lajoye

Création son : Benoît Pimont

Régisseuse lumière et son : Sandy Léonard

Production exécutive : Un Peu de Poésie

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A Propos

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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