La ballade des perdus
- Fanny Inesta

- 20 oct.
- 2 min de lecture
Théâtre de l'Optimist
50 Rue Guillaume Puy Avignon
Les 19 et 20 octobre 2025


photo: Pier Patrick
Dommage, en ce jour pluvieux, qu’il n’y ait pas eu davantage de public dans ce joli théâtre de l’Optimist qui, comme à son habitude, propose des spectacles de qualité. Avignonnais, réveillez-vous! Car ce à quoi nous avons assisté mérite bien plus qu’un demi-silence de salle : une pièce sensible, délicate, où la tendresse lutte contre l’oubli…
Dans un coin tranquille d’un joli parc , deux êtres sans abri se sont fabriqué un refuge de fortune , fait de cartons, de rires et d’histoires inventées. Paolo, homme au verbe élégant, ne semble pas tant se souvenir d’un passé glorieux qu’il se plaît à l’imaginer. En face de lui, la jeune femme, passée insensiblement de « la pauvreté à la misère », refuse de renoncer à sa part d’enfance. Malicieuse, collante, insatiable, elle le somme de raconter encore et encore ce passé rêvé, car cela les aide à tenir, quand plus rien d’autre ne les protège. Elle le sollicite, le provoque, le bouscule presque, pour mieux l’entraîner encore une fois dans ces souvenirs dorés de luxe et de grands crus, comme on replonge dans un album photo jauni mais indispensable pour tenir debout.
Puis, un événement sombre, macabre, surgit au détour de leur quotidien. Plutôt que de basculer dans la tragédie brute, l’écriture choisit une voie étonnante : celle d’un burlesque teinté de noir, où l’absurde se faufile avec un brin de cruauté tendre et drôle. Le monde continue de tourner sans eux, certes, mais eux parviennent, par un étrange éclat d’humour, à l’arrêter quelques instants. C’est du Chaplin sous un lampadaire, un éclat de rire au bord des larmes.
David Levet et Fredy Melan signent une mise en scène jamais trop appuyée. Le texte, vif, offre aux comédiens un terrain de jeu touchant. Charlotte Woehling incarne avec justesse cette jeunesse cabossée, déjà trop usée par la vie mais encore capable d’émerveillement. David Levet campe un Paolo pudique, digne jusque dans la ruine, Il joue avec sincérité cet homme qu’il rêve d’être et c’est ce fragile décalage qui le rend émouvant. Leur complicité se ressent, comme un fil invisible qui relie leurs deux solitudes. Une pièce qui nous rappelle que la tendresse peut encore tenir bon, même sous l’asphalte et l’indifférence. Ni sermon, ni misérabilisme mais un regard tendre sur ceux qu’on ne voit plus.
un dénouement inattendu qui surprend et rappelle que dans la vie comme sur scène, rien n’est jamais écrit d’avance.
Une histoire à la fois drôle et poignante, qui rappelle qu’au cœur de la misère, il reste toujours un refuge : l’imagination, le rire et la tendresse partagée
Fanny Inesta
Une comédie douce-amère de David Levet
Avec Charlotte Woehling et David Levet
Mise en scène : David Levet et Fredy Melan









Belle critique au service de ce beau spectacle