Extases, exposition d’Ernest Pignon-Ernest
Dernière mise à jour : 29 mars 2023
Etreinte d’Eternité
Sous l’humble chair vouée à l’étreinte de l’infini et délivrée de toute pesanteur dans sa verticalité, la main de l’artiste, crayons et fusains, suit la courbe de ces corps immobiles pour en conjurer l’abandon, comme si, dans cette élévation céleste, Dieu lui-même leur avait tracé une part d’éternité. Le voile qui enveloppe la nudité de ces sept femmes, révèle dans ses replis, un membre, un buste, un sein, une main, les méandres de leurs veines encore irriguées par le sang, et ces visages habités par le regard du dedans, signe de l’extase qui transcende. Par delà la mortification, le dolorisme rédempteur et l’image Saint-Sulpicienne, c’est à travers le mode hallucinatoire de la jouissance que ces mystiques touchées par la grâce divine, parviennent à la béatitude. L’ailleurs est cependant sous nos yeux, dans le silence des espaces où le temps a lâché prise, vision terrestre que reflète le sombre miroir des limbes et qu’une pâle lueur ravit aux ténèbres du gouffre. Comme Baudelaire ou Paul Celan pour qui l’esthétique de la souffrance se fait poésie, participant à la condition ambivalente de la psyché humaine, l’artiste recule les limites du signifiant pour tendre vers cette vérité absolue, quand le sujet et l’objet, le corps et l’esprit, le visible et l’invisible, le réel et le surnaturel, la jouissance et la souffrance, l’amour et la mort, se conjuguent, mystère de la création, en une harmonie ainsi sublimée.
André Benayoun
تعليقات