Embrasse ta mère
- Fanny Inesta
- 31 mars
- 3 min de lecture
Théâtre du Rempart
56 Rue du rempart Saint-Lazare Avigon
Les 28,29 mars 2025 à 20h30
Le 30 à 16h
Photos: F. Inesta
Tout débute dans le cabinet d’un psy (Ange Paganucci) où Nina, (Carole Palcoux) collectionne les séances comme d'autres les tickets de métro...
Ce jour là, Nina attend sa mère qui arrive en train. Cette dernière, Yolande ( Laurence Le Duc) descend sur le quai, excentrique et extravagante, coiffure choucroute et drapée en total look léopard.Le ton est donné !
Un rendez-vous au bout de deux ans d’absence, une partition où l’affection va s’exprimer à coups de piques bien senties et de réparties cinglantes.
Elles nous embarquent dans un voyage à double vitesse : celui d’une voiture lancée vers l’enterrement d’un membre de leur famille, objet de leur rencontre, et celui, plus sinueux, de leurs retrouvailles. Dans l’habitacle, les non-dits s’invitent sur la banquette, rancœurs et reproches grippent la transmission, et l’humour sert d’huile essentielle pour faire tourner le moteur des émotions. Entre mauvaise foi, crevaison inopinée et embouteillages sentimentaux, la route est semée d’embûches, mais surtout de dialogues ciselés qui font mouche. Et c’est très drôle..
Dans un rôle caméléon, Ange Paganucci tour à tour psy, serveur et prêtre, distille une ironie impassible. Son jeu contraste avec l’exubérance des comédiennes. Il est ce tiers silencieux qui, par un regard appuyé, un sourire, une posture décalée ou une inflexion à peine perceptible, déclenche le rire avec une précision d’orfèvre. Une présence en filigrane, mais essentielle, qui donne encore plus de relief aux affrontements maternels.
Porté par sa mise en scène millimétrée, ce face-à-face mère/fille fonctionne comme un ping-pong verbal effréné. Et dans cette partie, on est loin du match amical. Une mise en scène qui sert ce ballet avec une ingéniosité réjouissante : une voiture aussi inventive que décalée, un décor qui transforme l’espace en restaurant chinois, en cabinet de psy ou en salle de crémation. Un dispositif malin qui laisse toute la place au jeu des comédiennes.
Et quel duo ! Carole Palcoux incarne une Nina fébrile et survoltée. Ses rictus nerveux, sa démarche de boxeuse en colère traduisent toute l’électricité du personnage. Elle l' incarne avec une intensité remarquable, oscillant entre fragilité contenue et explosions de colère maîtrisées, et nous livre une performance d'actrice d'une belle justesse.Face à elle, Laurence Le Duc compose une Yolande exubérante, figure maternelle à mi-chemin entre Chantal Ladesou et une héroïne de boulevard. Égocentrique et insaisissable, tour à tour critique acerbe de son aînée et jalouse maladive de la nouvelle compagne de son ex-mari, elle manie l’ironie avec une légèreté assassine. Une mère redoutable, à la fois fascinante et impossible à apprivoiser.
Sous la cascade de reproches et les passes d’armes jubilatoires, une vérité plus douce se dessine : on ne coupe pas le cordon si facilement quand celui-ci est en acier trempé. Ce face-à-face, mené tambour battant, fonctionne comme un match de ping-pong effréné, où chaque réplique est une balle bien placée. Le public rit, grince des dents, se reconnaît parfois dans ces échanges trop vrais pour n’être que fictifs.
Un spectacle vivifiant, comme une engueulade qu’on prendrait plaisir à rejouer. Avec une telle énergie, impossible de faire la moue.Un spectacle à l’image des relations mère-fille : tendre, acide, imprévisible, dont on ressort avec une irrépressible envie… d’embrasser sa mère... Ou pas.
Fanny Inesta
De : Karine Dubernet
Avec : Carole Palcoux, Laurence Le Duc et Ange Paganucci
Mise en scène : Ange Paganucci
Une comédie réjouissante en ces temps moroses. Une critique bien construite avec humour. Bravo à tous