Nadine Eid
Canopée
Dernière mise à jour : 19 juil.
Théâtre des Lucioles
10 rue rempart Saint Lazare Avignon
Festival Off Avignon du 29 juin au 21 juillet 2024 à 12h relâche les lundis
photos libres de droit: Fabienne Rappeneau
L’Afrique est là avant même le lever de rideau. Sons de forêt équatoriale ou tropicale, les cris des animaux nous environnent alors que le public remplit la salle.
Sur scène, un assemblage de portants ou d’agrès. Au-dessous, tout un arsenal de claviers, d’appareils électroniques, de platines, le matériel des DJ qui fabriquent du son de la musique électro. Au centre de l’assemblage, cerné de toutes parts par ses appareils tout puissants qu’il semble parfaitement maîtriser, un musicien chanteur, débute son concert. Norenjiv, semble très au fait de son art, aguerri à la technicité des appareils qui lui ont permis de monter un spectacle réglé au cordeau, aidé de main de maître par son technicien lukas.
Le chanteur débute son one man show et tous les poncifs non éculés de l’artiste l’habitent. Il instaure un rapport de séduction avec son public et, en artiste confirmé et sûr de lui, joue de certitudes acquises, rodées et de ses valeurs sûres.
La voix d’abord, outil de poids de son charme, est sertie par les effets spéciaux qui la modulent pour lui conférer la profondeur irrésistible d’une voix éminemment sculptée, sensuelle.
Le corps en mouvement, la silhouette qui se meut, cherche à émouvoir, à susciter l’envie de le voir bouger. Les pas de danse, les esquisses d’évolutions, tout le travail du chanteur avec son corps relève d’une volonté de créer le désir. L’invitation au divan d’une personne féminine n’en est que la confirmation. Boris Vigneron écrit là un rôle que nombre de nos rock stars interprètent, celui de susciter le désir en se positionnant radicalement hors de leur champ d’action-celui du chant et de la musique- pour devenir des sexe-symboles et provoquer des comportements hystériques. C’est pertinent, traité avec une autodérision qui permet de basculer vers le versant de la déconstruction. Art de clown, talent d’acrobate déplacent la réalité vers un lieu à inventer.
La mise en place effectuée, les problèmes de dysfonctionnements techniques surviennent et ne cessent de s’accroître. Le technicien Manuel Mazurczack s’empare au pied levé du rôle de dépanneur en urgence sans parvenir à régler par des réparations satisfaisantes ce spectacle de plus en plus déglingué.
Norenjiv est aux affres de difficultés qui le condamnent à interrompre son spectacle pour se mettre à confier au public qu’il prend à témoin, ses réflexions et ses interrogations sur l’absurdité de nos conduites humaines face aux urgences climatiques.
« Aïe ! Aïe ! Aïe ! Ça fait mal à l’homme en moi ». Dépassé et excédé par le fiasco de son concert pourtant parfaitement millimétré, Norenjiv va developper des pensées paranoïaques et suspecter Lukas de sabotage.
Boris Vigneron est stupéfiant, il excelle en tout, son parcours circassien a fait de lui un artiste pluriel. La tessiture de sa voix est identifiable et singulière. Ses musiques et ses compositions scéniques bien que destinées à caricaturer ou à dénoncer avec un brin d’humour, sont étonnamment envoûtantes et les paroles construisent un personnage émouvant qui nous est plus que sympathique, attachant. La transformation en primate montre ses capacités de théâtralité,
ses acrobaties et leur aisance.
Néanmoins, au delà de ses talents inouïs, ce qui fait de Canopée un spectacle si puissamment perçu par le public, c’est la sincérité du personnage interprété. Norenjiv, Boris Vigneron nous entraine dans la brousse de son humanité et ses credo sont nôtres, partagés de concert avec le monde animal. Une mention spéciale pour le décor et les costumes incroyables de poésie de Micheline N’dongondo. Un chapeau bas pour la mise en scène efficace de Patrick de Valette.
Vu, revu …. x fois sans lassitude, avec, et c’est extraordinaire, toujours le même impact, le même coup au coeur, si fort, que la standing ovation mériterait d’être customisée par le public.
Coup de coeur absolu ! Artiste à suivre au plus près des créations à venir.
Nadine Eid
de et avec Boris Vigneron
collaboration Manuel Mazurczack
mise en scène Patrick de Valette
regard chorégraphique Sandrine Chaouli
travail zoomorphe Cyril Casmèze
costume décor Micheline N’Dongondo
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