Une vie rêvée
Ecrit et réalisé par Morgan Simon
1h37 France
Avec Valeria Bruni Tedeschi, Lubna Azabal, Félix Lefebvre, Dylan Benha-Guedj…
Le titre fait écho à l’expression une vie de rêve mais résonne comme un constat d’erreur qui viendrait infirmer ce que la vie pourrait être si elle était « réellement vécue », « véritablement vécue », « pleinement vécue ».
Nicole, Valeria Bruni Tedeschi est au chômage, vit dans un HLM de la banlieue parisienne et élève seule son fils de 19 ans. Visiblement, sa vie est dénuée de sens et, hors le lien mère-fils qui la structure, elle erre dans son existence. La scène avec l’employé de banque au début du film, semble indiquer que le manque d’argent, est responsable de cette errance. Néanmoins, très vite, sa personnalité un peu fantasque, ses goûts exotiques, ses extravagances, la placeraient volontiers dans la catégorie des personnes border line, si la galère de sa vie ne venait corroborer ses comportements. Son attitude parfois hors limite, sans freins, désinhibée, telle celle de la scène dans laquelle elle insiste pour que son fils lui fasse danser un slow en demandant à ce qu’il place ses mains là où elle le souhaite, montre que la relation est toxique. La scène de violence dans laquelle elle lui brise un miroir sur le crâne après avoir enduré ses reproches indique bien à quel point, elle adopte dans son quotidien, des attitudes inadaptées aux situations. Le mensonge pieux qui ouvre le film pour s’excuser de ne pas rejoindre une amie, la montre quelque part sur une bretelle d’une grande voie de circulation dans le bruit des automobiles, comme perdue, en danger probable, jurant contre son parapluie déglingué qui pourrait être responsable de son refus d’avancer pour justifier son retour névrotique dans son appartement. La demande de son fils de partir, de sortir de l’appartement pour le laisser passer la soirée prévue avec sa petite amie, la place face au vide de son existence. Il n’est pas jusqu’au miroir brisé sur le crâne de Serge qui indique que la vérité est trop douloureuse à entendre, et que la voir dans ses paroles est trop destructeur.
Cette scène de décompensation et la fuite salvatrice du fils auraient pu donner lieux à une écriture du rôle de Nicole plus marquée qui aurait permis d’éloigner les clichés convenus de cette fresque sociologique sur barre d’immeubles de banlieue avec les fractures identitaires, raciales et générationnelles. En effet, le rôle de Nicole qui n’est pas sans rappeler celui de Mabel dans Une femme sous influence de John Cassavetes reste sur la frange et ne parvient pas, malgré l’interprétation de Valéria Bruni Tedeschi et de Félix Lefebvre à créer de la densité de ton à ce film qui juxtapose les clichés virevoltant à la manière de la casquette de skaï de Nicole elle-même caricaturale. Lubna Azabal toujours remarquable, nous offre quelque belles répliques sur le sens de la vie mais son rôle sert aussi la kyrielle des clichés qui s’étirent et finissent par lasser. La soirée de réveillon avec la chicha et les pleurs du jeune de banlieue filmé d’abord comme une ombre menaçante elle aussi très caricaturale, sombre dans le grotesque avec les pleurs et les répliques mièvres au sujet de la mère.
C’est confondant de stéréotypes en tous genres, de fadaises convenues ! La résolution finale avec la rencontre amoureuse entre les deux femmes et le retour du fils ne parvient pas à convaincre et laisse le spectateur perplexe car finalement il aurait suffit de peu pour que s’expanse le rôle de Nicole dans une justesse de ton plus pathologique, que celui de Lubna Azabal nous foudroie par quelques répliques plus ancrées soutenues par son incroyable regard, véritable injonction à comprendre ce qu’elle formule en une parfaite simplicité. Quant à celui de Félix Lefebvre, la justesse de son interprétation pourrait servir la déglingue d’une mère en perdition douce. Les trois comédiens étaient au rendez-vous, leur rôle pas vraiment.
Nadine Eid
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