Michel Trinquier L’itinéraire d’un sédentaire contemplatif
Dernière mise à jour : 28 mars 2023


Il était un peintre en Avignon, qui avait quitté sa ville pour aller vivre à Belle-Ile en Mer, trouvant dans ces rivages bretons une inspiration créatrice. Une inspiration qui s’inscrit dans un mouvement des vents et des marées, des embruns et des intempéries, comme si les éléments avaient laissé leur empreinte à travers ces marques, griffures enchevêtrées comme érodées par le temps, et qui portent dans cette érosion la trace même de leur survivance. Avec sa faconde, son accent et sa voix qui résonne dans le grave, il ferait penser à un de ces personnages de roman qui fleure bon le midi et qui aurait emporté un peu de son terroir à la semelle de ses souliers. Voilà bien 70 ans qu’il a 20 ans, Michel Trinquier, ce peintre transplanté de sa Provence natale en pays breton. Des fossiles du Luberon à la vaste étendue océane, c’est comme si ce grand buveur de ciel trouvait un prolongement à son désir d’éternité dans une soif d’infini, comme si à l’ammonite ou au poisson fossilisé répondait l’origine immémoriale de la mer. Et, quand il pose un regard vertical, c’est pour trouver dans le silence des espaces célestes une nouvelle raison d’étancher ce besoin d’absolu, d’atteindre l’autre rive, là où la fable éternelle inaugure un nouveau monde. La sincérité de l’homme, si évidente pour ceux qui le connaissent, ne fait que confirmer, à travers cette étreinte d’éternité, la correspondance de sa peinture avec le besoin de dire l’essentiel. Comme l’ombre porte la lumière, le noir, prédilection de l’artiste, porte une réserve de couleurs dans un éboulis d’ombres qui se chevauchent ou dans le clair-obscur qui traverse les ténèbres. Un noir qui se marbre dans une clarté arrachée aux ténèbres. Et dans un éblouissement surgit le soudain de l’éclair qui va marquer la nuit de son obscure apothéose. Les œuvres les plus récentes du peintre intègrent, dans une confrontation du noir et du blanc, une forme de géométrie discursive avec un voile de bleu violacé, et derrière ce voile s’inscrit tout un imaginaire, tant il est vrai que la réalité n’est qu’une ombre. Elle ne saurait faire fi du regard de l’artiste avec l’esprit créatif qui l’anime et qui, à nos yeux, finit par inscrire l’invisible. Pour l’éprouver, il ne reste qu’à contempler ses œuvres au hasard de ses expositions ou quelque part à Belle-Ile- en- mer, là où il a élu domicile.
André Benayoun
un peintre provençal qui a trouvé dans la bretagne un havre de paix