Nadine Eid
Le sale discours ou géographie des déchets pour tenter de distinguer au mieux ce qui est propre et ce qui ne l'est pas.
Théâtre des Halles Rue du René Avignon
4 avril 2024 à 20h
Crédit photo N. Eid
Le sale discours titre hypallage n’en est pas une. Effectivement, c’est dans une mise en scène scatologique de Pierre Guillois, David Wahl et son texte durant 1h15, chute, se vautre et se contorsionne dans une matière noire à la consistance qui questionne puisqu’elle s’apparente à la marée noire par la couleur profondément obscure tout en possédant un aspect proche du mercure mais devenu visqueux.
La mise en scène est simple. Des seaux de diverses contenances emplis de cette matière liquide qui semble comme contenue en elle-même.
David Wahl qui a déjà commencé son discours le fait devenir crasseux en renversant un à un ses seaux ou en retirant des sparadraps sur certains d’où s’échappera donc plus lentement par deux fentes latérales la fameuse matière indéterminée. Pourquoi?
Les lumières de Maël Guiblin confèrent au plateau une belle intensité et la mise en scène devient alors véritablement esthétique. Mais hélas, elle se fait non pas doublement mais triplement redondante. En effet, le sale discours qui expose avec force précisions l’historique de nos comportements avec les déchets, surabonde d’anecdotes, de détails piochés dans de nombreux domaines qu’ils soient scientifiques, littéraires, philologiques, historiques. C’est très illustré, documenté, presque savant. Le sale discours est rédigé, le style utilise à dessein des mots désuets, des tournures vieillies qu’on a plaisir à retrouver. Néanmoins comme le soin scrupuleux de la langue utilisée est assumé, on aurait aimé que tout soit passé au crible de l’épuration afin d’éviter les tics d’écriture et les tournures qui, trop utilisés font répétitions. Ces dernières du reste viennent faire écho au jeu du comédien qui consiste en une lassante succession de chutes malencontreuses, de complaisants mouvements de brasse coulée dans la belle matière noire. Quand il n’est pas vautré dans ladite matière, il s’en asperge le dos, le visage et cette volonté forcenée à se souiller davantage surjoue étonnamment encore un récit suffisamment explicite. C’est dommage, car finalement ce Sale Discours gagnerait plus à être lu que vu. La sursignifiance de la mise en scène, son jeu de performer répétitif et en redondance au texte dit et écrit par lui emporte difficilement l’adhésion autre que celle de notre conscience partagée c’est à dire commune d’être pollué et pollueur. Quant au public, il convient également de souligner les rires lors des chutes grotesques et les édifiantes conclusions. Mais dans quel monde vivons-nous !
Nadine Eid
Texte et interprétation David Wahl
Mise en scène Pierre Guillois
Régie générale Jérôme Delporte en alternance avec Jean-Yves Marion,
collaboration artistique, accessoires Anne Wagner dit Reinahrdt,
lumière Maël Guiblin,
création sonore Nicolas Coulon.
Texte publié aux éditions Premier Parallèle.
Production Incipit
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