La Machine à remonter le Rock
- Fanny Inesta

- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
Théâtre Poche Graslin
5 rue Lekain 44000 Nantes
Du 11 au 13 décembre 2025 à 20h
Dimanche 14 à 15h
Du 18 au 20 décembre à 20h
Dimanche 21 décembre à 15h

Dans le joli Théâtre de Poche Graslin, le public nantais, nombreux et visiblement impatient, était au rendez-vous. Dès les premières secondes, La Machine à remonter le rock installe son climat. On assiste à une archive vivante branchée sur secteur, un manifeste électrique qui carbure à la mémoire collective et au volume sonore. Un pied dans la nostalgie, l’autre fermement arrimé à cette machine infernale trônant au centre du plateau , le show feuillette l’histoire du rock comme un vieux fanzine jauni, avec amour, irrévérence et une jubilation contagieuse.
John interprété par Georges D'audignon en est le cœur battant. Animateur radio survivant d’un âge d’or où les ondes crépitaient de guitares, il porte en lui une blessure générationnelle : celle d’avoir vu le rock naître, exploser, puis se faire peu à peu recouvrir par d’autres courants. La pop, l’électro, le rap, autant de séismes qu’il refuse d’encaisser. Plutôt que le deuil, il choisit la démesure. Son idée est délicieusement barrée : créer des automates-musiciens à partir des reliques sacrées du panthéon rock pour ressusciter l’esprit originel du genre. . Et waouh ! Le spectacle glisse alors vers ce qu’il assume pleinement,une traversée musicale vertigineuse ! Des racines américaines de Bill Haley, Chuck Berry, Elvis Presley aux gentils Beatles en passant par les Stones ou les Who, jusqu’aux vertiges psychédéliques de Hendrix, Queen ou Pink Floyd. Des chansons gravées dans nos corps autant que dans nos mémoires.
Car ici, le rock n’est pas seulement une suite de standards, c’est aussi une mythologie nourrie de récits et de légendes. John égrène les anecdotes, rappelant par exemple l’histoire de Mike Millard, surnommé « Mike the Mic », ce fan obsessionnel qui, dans les années 1970, se faisait passer pour une personne en fauteuil roulant afin d’enregistrer clandestinement des concerts. Une ruse qui donnera naissance à certains des bootlegs les plus célèbres de l’époque et dit beaucoup de cette culture rock faite de débrouille, de passion et de transgression
On pourra reprocher à l’ensemble une vision du rock figée dans son âge d’or, comme si le genre s’était arrêté à la fin du siècle dernier. Mais ce regard rétro dit aussi autre chose : une volonté farouche de transmission, presque militante, à l’heure où le rock n’est plus le centre névralgique de la pop culture.
Sur scène, les musiciens-chanteurs incarnent leurs rôles d’automates avec précision et talent . Notes impeccables, voix étonnamment fidèles, gestuelles mécaniques volontairement déréglées, tout est en place. L’humour affleure sans cesse et déclenche les rires C’est vivant, intensément physique,
la machine s’emballe, le temps se distord, le public de tous âges se laisse happer car le rock n’a jamais été une affaire de mesure!
La Machine à remonter le rock rappelle que le rock n’est ni une époque ni un style, mais une énergie, une pulsation. Et cette reconnaissance ne trompe pas : en 2023, le spectacle a été nommé aux Cyranos dans trois catégories majeures ,meilleure scénographie, meilleur spectacle musical et meilleur comédien dans un second rôle , consacrant un pari audacieux et furieusement vivant.
Et tant qu’il y aura des corps pour vibrer et des guitares pour saturer, la machine continuera de tourner.
Fanny Inesta
Une création de Lucas Jumelle, Thibault Lavigne et Florent Maurin
Mise en scène: Kévin Goret
Avec Tom Bourcier, Georges d'Audignon, Thibault Lavigne, Florent Maurin et Damien Pavis









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