L’huître et le crabe
Dernière mise à jour : 29 mars 2023
Rencontre avec Jean-Michel Gautier, ancien professeur de communication et à ce jour Directeur de la publication desartsliants.fr . Il écrit également, et nous offre ce joli conte .
Au fond des Océans, dans un repli jurassique de roche vivait ne belle huître accrochée sur les flancs d’un récif. Elle passait ses journées entrebâillée à avaler de l’eau en rêvassant tout en se nourrissant.
Elle s’entretenait beaucoup avec une anémone à tête de Gorgone de couleur orangée qui avait élu domicile à ses côtés pour en principe de nombreuses années. Elles parlaient des heures entières, et patati et patata, et patati et patata, elles n’en finissaient jamais , mais quand un hippocampe leur demandait : « qu’est-ce que vous vous êtes dit aujourd’hui » elles répondaient invariablement « rien, nous ne nous souvenons pas de quoi nous avons parlé. » l’important pour elles était de s’occuper vu qu’elles ne pouvaient pas se promener. Mais elles avaient par contre fort à faire avec leurs toilettes, l’une entretenant son long manteau vert bouteille et l’autre sa corolle de bras orangés.
Le vie au fond des mers c’est calme, les poissons passent et repassent, les crabes avancent toujours en biais, les moules baillent, les patelles dorment, les étoiles de mer se prélassent….seule l’huitre reste éveillée avec sa copine l’anémone.
Pourtant elles n’ont pas remarqué dans la pénombre un petit crabe, tout petit, pour ne pas dire minuscule, insignifiant. Il est rouge vif, il court très vite mais reste tout petit, c’est la raison pour laquelle il se cache car il risque de se faire croquer par un poisson malgré sa carapace. Il se sait fragile, c’est génétique, alors il se cache, il se terre dans les anfractuosités, il se faufile dans les fissures, il recherche les creux à sa taille.
Mais quand il a vu l’huître, cette majestueuse, il a vu qu’elle était entièrement tapissée de velours vert, ourlé de noir, un grand voile flottait au gré du courant d’eau qui la traversait très doucement, cet intérieur semblait être un paradis tellement il semblait léger , doux et soyeux.
Il ne rêve que d’elle.
Mais voudra- t’-elle de lui ?
Il ne sait, alors il reste sur le côté et il l’observe.
Il se dit « elle n’a jamais mangé de petit crabe, pourquoi me dévorerait elle »
Tapi dans l’ombre il ouvre ses grands yeux, regarde à droite, regarde à gauche et regarde l’huitre qui entrebâillée, laisse entrevoir son univers intérieur.
A un moment n’y tenant plus, il s’avance de sa démarche rapide sur le côté, il se place sous elle , rien ne s’est passé..Il grimpe à son niveau…rien. Il voit maintenant le grand voile qui la recouvre, celui -ci ondule et laisse pendre sur ses rebords de fins filaments noirs, c’est beau se dit -il, c’est calme et reposant. J’en ferai bien mon lit douillet.
Il hésite encore un instant et hop il saute dans l’huître. Celle ci n’a pas bougé un cil, comme si elle acceptait. Il fait un pas de plus en avant, rien…IL se faufile sous le manteau et alors là ..imaginez ce qu’il découvre : un horrible petit ver plein de pattes, un truc moche comme, voyons…comme un moche de moche, vous comprenez un pas beau qui ne plait à personne, un horrible qui fait peur.
Mais le petit crabe est très courageux et très vigoureux, il lui saute dessus et de ses pinces le coupe en deux , puis en quatre et il continue encore et encore…de la bouillie du méchant mille pattes. Puis il prend tous les morceaux et les avale, comme cela ce sera plus propre, ici pense t’il.
L’huitre n’en revient pas, elle a tout vu, tout entendu et il y a bien longtemps que ce maudit ver la gênait, mais elle ne savait pas comment s’en débarrasser. Elle est super contente, elle se sent enfin très bien. Ouf !dit elle ,c’est bien de ne plus se sentir seule, d’avoir un compagnon sur qui compter.
Elle dit alors au petit crabe « petit crabe rouge adoré, tu peux rester te lover dans mon manteau car je sais que tu prendras soin de moi, je ne te ferai aucun mal, tu seras nourri et logé .
C’est ainsi que l’huître a vécu longtemps, mais longtemps avec un petit crabe rouge qui faisait le ménage et qui dormait beaucoup bien protégé dans son grand manteau, bien dorloté comme un bébé dans les bras de sa maman.
Moralité
On ne s’associe pas sur des apparences, on vit ensemble en partageant les joies et les peines, en s’offrant à l’autre, c’est aussi ce qu’on appelle l’amour.
Jean-Michel Gautier
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