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  • Photo du rédacteurNadine Eid

L'Espace du Cloître Saint- Louis Avignon

Exposition du 5 au 27 mars 2024

Crédit photos: Nadine Eid


L’Espace du Cloître Saint-Louis à Avignon accueille, sous l’égide de la Mac’a, du 5 au 27 mars 2024, une riche exposition consacrée à deux artistes, Katia Bourdarel et Youcef Korichi.


Lui nous propose des toiles grands formats, elle des peintures et des installations. Tous deux sont méditerranéens; elle est native de Marseille et lui est né à Constantine. Leurs univers s’ancrent dans l’art figuratif et l’hyperréalisme.

Néanmoins -et comme un étage est consacré à chacun- mieux vaut, semble-t-il, pour ne pas plagier les hasardeuses comparaisons de quelques curieux en veine de commentaires oiseux, cesser là toute tentative de rapprochement ou de démarcation entre ces deux talentueux artistes.


Katia Bourdarel emporte, emmène. Nous regardons et notre corps est happé. Il semble qu’elle s’intéresse à l’émoi qu’elle va cueillir là où nous ne maîtrisons plus. Nous contemplons Les eaux dormantes et ces visages de femme à fleur d’eau, tels des masques d’une sublime et inquiétante tranquillité nous ramènent à la sensualité du basculement, de l’instant possible du choix.

Les cinq visages aux yeux endormis créent un flash subliminal : nous avons tous connu cette sensation, qu’elle est- elle ? Faut-il se contenter du trouble ou tenter de l’identifier ? Le sommeil et/ou la mort ou bien les délices procurés par l’eau lorsque le nageur cesse les mouvements et, en faisant la planche,prend la mesure du temps et de la liberté d’être ou de cesser sa respiration comme le suggère le premier visage avec les narines au ras de l’eau ? Tout est si calme, si serein dans les positions de ces visages, que la puissance hypnotique nous dirige vers l’inconscient, le nôtre.

Des craintes peuvent surgir comme les réminiscences d’une toile à l’autre mais toutes questionnent la limite, l’orée, la lisière de nos forêts intérieures, la frange des cils de l’instant. Elles réconcilient l’intérêt et la peur de découvrir, de savoir qu’au delà des rêves, le refoulement nous sauve ou nous névrose.

Les corps des femmes sont des prétextes où s’écrivent les miroitements des ombres de feuilles qui savent elles aussi nous regarder quand elles parent et révèlent le corps de la statue. Les yeux au regard chlorophylle émergent du souvenir ou de la découverte du drapé blanc et de ses fentes. Tout dans ses peintures et installations nous conduit vers nous- mêmes, au coeur de nos désirs et de nos pulsions entre Eros et Thanatos. La cabane- lieu légendaire de toutes nos enfances, berceau et nid-refuge de nos souffrances- réunit les contraires en une belle symbiose totalement schizomorphe. Elle unit la sobre simplicité émouvante de la cabane du berger à l’unicité du joyau princier paré des mille feux. Sertie de pierres de couleur, elle illumine nos yeux d’adultes dessillés. C’est un pur produit de conte de fées et les craintes deviennent ravissement. Avec Katia Bourdarel, nous nous fixons dans le temps. Elle nous invite dans son instant avec le parti pris d’affronter nos points de basculements, ceux qui précisément nous amèènent vers l’art et vers la création.


Avec Youcef Korichi...

Crédit photos: Nadine Eid


Avec Youcef Korichi, notre regard est frappé par la puissance de ses toiles. Toutes sont fortement marquées par l’intention, la suggestion immédiate. L’oubli est éminemment caractérisé par la volonté de signifier l’intention. Le visage de profil n’est pas suggestif. Par contre le pas arrêté, le dos légèrement infléchi suggère le retournement immédiat, il s’agit de dire le retour. L’épaule et sa voussure, le bras pendant laisse à voir comme un arrêt. C’est un homme qui revient et, à la manière des croquis de Claude Abeille avec une économie de moyens soit encore sans éléments superflus, il s’attache à montrer l’infime d’une attitude ou d’une intention. Comme pour le sursaut, ce génial dessin au crayon de Claude Abeille, l’oubli nous laisse sans voix. C’est une évidence.

Le portrait de Munch est celui d’un homme profondément surpris par la douleur. Les contrastes servent à focaliser la vision sur le regard qui affirme sans ciller, la force de sa souffrance. C’est celui d’un oiseau prisonnier, captif et immobilisé par des projecteurs. Youcef Korichi a capté la souffrance puissamment ontologique de Munch.

Rome 1960 pourrait être la définition même du mouvement de foule lié ou pas à l’insurrection ce moment souvent capté nos reporters-photographes. Au premier plan, un des trois personnages tente d’éloigner les deux autres. Son bras protecteur et son regard inquiet en arrière suffisent à peindre le contraste entre la violence du mouvement de foule en marche et la précarité de l’individu pris dans les rets d’une telle pagaille. Là encore, les larges pas, les angles des jambes des silhouettes en marche contrastent par la détermination avec l’attitude prudente de la fuite au premier plan.

Le pas signe également un contraste analogue entre la masse compacte des casques noirs du premier plan qui occupe les deux tiers du tableau ressentie comme menaçante et faisant face à une foule civile très indistincte mais avec semble- t- il la présence d’enfants ou de personnes de petite taille. Les reflets bleu canard des casques peuvent aussi suggérer une autre lecture plus d’actualité.

Bleu encore pour la veste en velours du tableau L’angle, autoportrait en pied à valeur symbolique qui biaise par son titre le vrai sujet. Ce n’est donc pas Youcef Korichi mais l’angle, oui mais lequel, celui de la pièce dans lequel il pose ou celui que son col dessine pour offrir un cou à son visage, angle identique aussi à celui qui s’ouvre sur la braguette de son pantalon ?

Bleu toujours pour le container de Face où le bleu de la peinture cède à la rouille rehaussée par le blanc mat et crayeux qui joue l’illusion des matières.

Le vrai sujet est ailleurs, tout est livré ou presque dans la manière de voir, qui n’est autre que celle de peindre. L’art ici est un prétexte, voir est une émotion, Youcef Korichi sait nous faire regarder et interpeller en nous ce qui, à n’en pas douter le passionne : l’interprétation personnelle d’une réalité surpassée par l’art.


Nadine Eid

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A Propos

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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