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Jean de tous les étés

  • Photo du rédacteur: Fanny Inesta
    Fanny Inesta
  • 29 mars
  • 3 min de lecture

Le Figuier Pourpre

Maison de la Poésie Avignon

Le 28 mars 2025 à 20h30

Photos: M. Eid


Ce soir, à la Maison de la Poésie, dans le cadre de la 27ᵉ édition du Printemps des Poètes, un large public s'est rassemblé pour assister à une lecture inspirée d’un texte de Jean Pietri et Nadine Eid.

Il est des lectures qui bruissent à voix basse, qui murmurent plus qu’elles ne disent, et dont l’écho pourtant demeure longtemps après que le dernier feuillet ait été lu. « Jean de tous les étés  »est de ceux-là. Il est une confidence échappée d’un carnet que l’on croyait secret, un dialogue suspendu entre les silences, une ode aux amitiés tissées dans l’ombre feutrée des mots et des âmes sensibles.

Cette histoire repose sur cette rencontre entre deux êtres que tout semble opposer, et que pourtant la poésie vient unir dans une tendre harmonie. Lui, Jean Pietri, fondateur de la Maison de la Poésie, croit aux mots jetés dans le vent pour être lus, reçus, partagés. Elle, dont le nom s’efface presque derrière la pudeur du récit, écrit pour s’accorder à elle-même, pour comprendre, pour se réconcilier. Ces lettres qu’il lui envoie, ces poèmes dont elle a l’exclusivité, sont autant de ponts entre eux.

Ce qui touche, c’est la finesse de l’écriture, le souffle presque fragile qui anime chaque page. C’est un battement d’aile, léger et mélancolique, portée par une langue qui laisse transparaître une émotion à fleur de peau. C’est une complicité rare, de ces liens indéfinissables qui résistent aux années et au silence.

Car elle ne répond pas. Du moins, pas tout de suite. Ce mutisme n’est pas un refus, mais un espace nécessaire, un temps de latence où le sentiment se façonne, où l’évidence s’impose sans bruit. Ce n’est que plus tard qu’elle prendra la plume, lorsqu’elle comprendra la confiance, le respect qu’il lui accorde.


Mais bien davantage qu’une lecture, ce fut ce soir, un spectacle à la lisière du murmure et du cri, un voyage où les mots s’échangent comme des talismans, où la poésie se fait présence tangible, presque tactile. Ce texte, entre confidences et correspondances, esquisse une amitié tissée de silences et d’attentes, de lettres reçues et de réponses différées, dans une temporalité suspendue où l’émotion affleure à chaque phrase d’une véritable mise en scène vocale où le silence et les pauses jouent un rôle aussi important que les mots eux-mêmes.

Les deux comédiens deviennent passeurs de cette histoire intime. Claire Ruppli tout en nuances, capte l’espace avec retenue . Son visage, mobile et expressif, dit autant que ses paroles, un léger plissement de lèvres, un regard qui s’échappe, une hésitation infime, et tout est là. Elle habite chaque silence, en fait un territoire où la pudeur et l’émotion se répondent. Son jeu s’autorise parfois des pointes d’humour subtiles, comme des soupirs légers au creux d’une phrase trop dense, offrant une respiration bienvenue au public.

Face à elle, Wianney Qollan est un contrepoint puissant. Sa voix ample et profonde sculpte les mots, leur donne une densité presque physique. Parfois, il s’envole un peu trop haut, comme emporté par la fougue du texte, mais toujours avec une maîtrise qui l’empêche de basculer dans trop d’excès. Son énergie déborde, bouscule, s’oppose à la délicatesse de sa partenaire, et c’est dans ce contraste que la magie opère. Leur dialogue devient une danse, un tissage d’ombres et de lumières, où l’intensité de l’un répond à l’intériorité de l’autre. À eux deux, ils sculptent le verbe, le mettent en tension, lui donnent chair et souffle.

Il y a quelque chose d’infiniment délicat et bouleversant dans cette mise en scène minimaliste qui laisse toute la place à la parole et à ce qu’elle ne dit pas. Les silences y sont autant de respirations, d’échappées où le public s’engouffre, captif du bruissement des mots et de leur écho. Une partition sensible et vibrante, où la poésie, loin d’être un art figé, devient un espace de rencontre et de réconciliation.

Et puis, il y a ce moment suspendu. Dans la salle, les enfants de Jean Pietri sont là, leurs regards ancrés dans le texte, comme s’ils y retrouvaient une part de leur père, une ombre aimante qui continue d’exister entre les lignes. Nadine Eid elle, vacille. L’émotion l’étreint, on la sent bouleversée, traversée par cette parole qui résonne au-delà du plateau, qui fait revivre, un instant, celui dont elle reçoit encore les échos. Ce n’est plus seulement une pièce, c’est un fil tendu entre les vivants et les absents, une passerelle de mots qui réconcilie le passé avec le présent.


Fanny Inesta


Texte: Jean Pietri et Nadine Eid

Avec: Claire Ruppli

et Wianney Qollan

1 comentario

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jean pierre petit
23 abr
Obtuvo 5 de 5 estrellas.

Bel article qui rend compte avec beaucoup de sensibilité de cette lecture à deux voix. Très émouvante correspondance entre Jean Pietri et Nadine Eid, qu'on aimerait relire pour soi, en silence, afin d'en explorer toute la richesse.

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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