Beyrouth hôtel
OCTOBRE 2022 Avignon
Théâtre de l’adresse
Dans Beyrouth sous les bombes et les tirs de mitrailleuses un homme arrive dans un petit hôtel, sans trop d’allure ni de détermination il demande une chambre, une jeune femme vient à lui pour lui offrir le gîte et plus encore s’il le souhaite, mais notre voyageur a d’autre préoccupations notamment de rencontrer le directeur d’un théâtre qui doit jouer sa pièce. On a le sentiment qu’il fait nuit, que tout est bouché, fermé. Mais les jours passent et personne ne vient, personne ne répond à ses appels désespérés et en sus il apprend que sa femme le quitte mais ne répond plus elle non plus à ses appels, il est absolument seul excepté cette employée de l’hôtel qui minaude à ses côtés mais qu’il semble ne pas voir. C’est l’opposition entre la vie et l’espoir confronté à un vide absolu. L’image de la solitude la plus totale, de l’homme abandonné de tous mais surtout de l’homme qui s’enferme dans sa solitude qui ne voit rien et n’entends rien d’autre que ce qu’il voudrait entendre. Portrait d’un écrivain en haillons, abandonné dans sa fermeture d’esprit. Il n’a plus rien, plus un rond, plus d’idées mais il est incapable de voir celle qui danse à ses côtés celle qui mange la vie avec passion, celle qui peut tout lui apporter. Olivier Douau et Nathalie Comtat incarnent avec subtilité leurs personnages. Nathalie est une Beyrouthine sensuelle et espiègle qui croque dans la vie avec envie qui se moque des bombes et de la guerre, qui espère un monde meilleur.` Olivier campe un auteur raté, un loser, un aveugle qui n’est pas capable de voir ce qui l’entoure courant derrière des chimères. Un homme qui n’avance pas coincé dans ses rêves. Alors la rencontre est explosive l’auteur n’a plus d’idées, d’avenir, d’existence. Alors que la jeune femme au français hésitant et au physique engageant semble nager au dessus de la mêlée. Un cocktail explosif nous est offert sur un plateau et on le boit avec délicatesse et envie. Olivier Douau incarne à merveille cet auteur rempli de doutes, paumé dans cet hôtel/bouge. Nathalie Comtat explose dans cette composition qui donne libre cours à tous ses talents, une exceptionnelle interprétation. Au milieu d’eux, une autre voix s’élève sorte de contre- temps, de pause, d’éclairage le son de ce vieux jukebox qui amène chaque fois un décalage salutaire. Une belle pièce dans le cocon douillet du Théâtre des Vents que le public a longuement applaudi. Un succès mérité.
Jean-Michel Gautier
une pièce de Remi de Vos mise en scène Olivier Douau avec Nathalie Comtat et Olivier Douau Création lumière David Ripon décor Jean- Bernard Tessier et Monia Nabli
CRITIQUE DE FANNY INESTA
Au coeur d’un Liban déchiré et ses lendemains qui déchantent, un auteur de théâtre parisien sans grand succès mais emporté par son rêve de réussite, a rendez-vous avec un metteur en scène local. Ce dernier lui fait faux bond, le stoppant dans ses projets. Désoeuvré, il se retrouve dans un petit hôtel . Beyrouth n’aura rarement été aussi beau que sous les traits de la jeune réceptionniste qui l’accueille. Elle est solaire, jeune, espiègle, sexy et déploie et dévoile ses charmes pour le séduire. Elle refuse d’être muselée par la guerre elle refuse de vivre dans un climat de peur. Les magazines people éclairent ses journées et la font rêver. Lui est animé d’une rage intérieure, désenchanté mais pétri de certitudes, d’interrogations intellectuelles, un brin méprisant et égocentrique. Il vit à Paris, apprend que sa femme le quitte, un être un peu noyé, qui malgré tous les gens qu’il côtoie et la lecture de Madame Bovary qui l’accompagne, reste seul. Elle, souriante malgré les pistes chaotiques de son pays où il ne fait pas bon flâner, elle veut vivre, son rêve serait de découvrir Paris. L’imaginaire peut se développer lorsque le corps est enfermé dans un pays incertain. Elle pourrait sombrer dans un pessimisme irrévocable pourtant elle rayonne, et dégage une énergie vitale qui illumine tout ce qu’elle touche. Elle l’agace, il pourrait fuir, il ne le fait pas, il l’écoute, peut être pour tromper sa solitude ? Il ne sont que tous les deux, on entend la violence extérieure qui gronde, entrecoupée par ce juke-box qui diffuse des chansons, créant une ambiance, un tourbillon qui libère les maux. Il s’agit d’ un carrefour de deux rencontres, de deux cultures, il la jauge, l’observe, elle s’immisce , prend le contrôle . Entre tension, résistance et et séduction, chacun va peu à peu être relié par le désir de l’autre. Une plongée émouvante entre l’Orient et l’Occident, une histoire qui pourrait paraître sombre, mais qui empreinte d’une teinte légère nous entraîne peu à peu dans une bulle de tendresse. Un regard optimiste sur la vie où rien n’est jamais perdu, ou le processus de reconstruction en découvrant l’autre nous fait grandir comme un beau voyage initiatique. Nathalie Comtat incarne ce rôle avec fougue et passion. Son jeu enflammé nous émeut et nous fait sourire. Olivier Douau nous embarque dans un univers ou il excelle. Une prestation de haut vol qui incarne tout le désespoir et la fragilité . Son jeu est d’une rare intensité et palpable à chaque seconde du spectacle. La mise en scène est astucieuse, un magnifique travail d’ d’Olivier Douau sur un texte de Rémi De Vos. La dérision est présente et met en valeur la psychologie des personnages. Une pièce qui mêle le drame et le rire chez les spectateurs, on frémit aussi, un spectacle qui en appelle au tréfonds du genre humain. Un regard optimiste sur la vie où rien n’est jamais perdu, le public est conquis et applaudit longuement.
Fanny Inesta
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